Leur société

Cimenterie attaquée : comment mettre les pollueurs à la raison ?

La cimenterie Lafarge de Bouc-Bel-Air, près de Marseille, a été attaquée samedi 10 décembre par un groupe d’activistes écologistes. Ils y ont endommagé l’incinérateur, dégradé des véhicules et éventré des sacs de ciment. Il n’en a pas fallu plus pour que la direction de Lafarge parle d’action criminelle.

À Bouc-Bel-Air, les fours de la cimenterie ont été longtemps alimentés par des pneus et des déchets industriels, polluant l’atmosphère. L’action qui les a visés n’est que la dernière d’une longue liste car, ces dernières années, les installations des cimentiers, principaux pollueurs du pays, ont été la cible de groupes comme Extinction rebellion. Cette opération a certes pu choquer les travailleurs du site, dont les organisateurs de l’action ne se souciaient nullement, mais il faut toute l’audace des patrons d’un groupe comme Lafarge pour oser parler de terrorisme à ce sujet, et pour se poser en protecteurs des salariés.

En matière de terrorisme, Lafarge n’a jamais hésité à travailler la main dans la main avec des groupes terroristes et des institutions étatiques qui ont commis bien d’autres crimes que quelques dégâts matériels sans grande conséquence. Entre 2013 et 2014, le groupe a financé l’organisation État ­islamique en Syrie pour pouvoir continuer à y exploiter son usine. L’ayant reconnu devant la justice américaine, Lafarge s’en est tiré avec une amende de 778 millions de dollars. En France, il est actuellement mis en examen pour complicité de crime contre ­l’humanité pour la même affaire. C’est ce genre de faits, bien réels, que les dirigeants de Lafarge voudraient faire oublier en criminalisant l’action du 10 décembre.

De leur côté, les militants qui ont revendiqué cette action affirment sur les réseaux sociaux : « Détruire les infrastructures qui rendent possible la pollution est la seule option pour rendre le monde à nouveau désirable. » Malheureusement, pour Lafarge, comme pour tous les trusts capitalistes, ces destructions ne sont que des faux frais, exactement comme les amendes qu’ils risquent d’avoir à payer à l’occasion d’une de leurs opérations, et qui ne les empêchent pas de récidiver. Les calculs de leurs dirigeants n’obéissent qu’à la loi du profit. Les pétroliers polluent les océans et les deltas des grands fleuves africains, les fabricants d’ordinateurs utilisent des minerais ­extraits par des enfants gardés par des voyous armés dans les mines du Congo, les banques honorables ayant pignon sur rue à Paris, Londres ou Francfort financent leurs activités et, dans une économie dont tous les pans sont inexorablement imbriqués, tous les trusts de la planète en profitent.

Alors, on peut compren­dre les militants qui veu­lent « détruire les infrastructures qui rendent possible la pollution » mais, à part la publicité ainsi faite à leur action, celle-ci ne mène nulle part. Ce ne sont pas ces infrastructures qu’il faut détruire, mais cette forme d’organisation de l’économie dans laquelle n’importe quel possesseur de capitaux peut s’arroger le droit de détruire une partie de la planète pour en faire son profit. Lutter aujourd’hui pour rendre le monde « à nouveau désirable » implique de lutter pour renverser le capitalisme, s’emparer des moyens de production et pour que les travailleurs les fassent fonctionner sur le seul critère de l’intérêt général, dont l’écologie est un des éléments.

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