Dans les entreprises

SNCF : la grève massive des contrôleurs

La grève des contrôleurs le week-end du 2 au 5 décembre a été une démonstration de force, particulièrement sur les TGV et les Intercités. Le 1er décembre, 99 % des contrôleurs avaient déposé leur déclaration d’intention de grève sur Toulouse, 96 % sur Nantes et Marseille, 95 % sur Eurostar, 95 % sur les Ouigo.

Environ 80 % des contrôleurs étaient alors en grève à l’échelle nationale en raison de la faiblesse de leur salaire et du mécontentement pour leurs conditions de travail. Malgré l’utilisation de cadres ou le détachement de non-grévistes, 60 % des TGV et Intercités ont été supprimés durant le week-end. Une nouvelle preuve que, sans les travailleurs, rien ne tourne.

« C’est une grève qu’on n’a pas vue arriver, ni nous ni les syndicats », a indiqué ­Farandou, le PDG de la SNCF. Mais, s’il ne l’a pas vue arriver, c’est pourtant bien sa politique qui l’a provoquée.

Le retard des salaires sur l’inflation touche, comme tous les travailleurs, les agents du service commercial train, ASCT, autre nom des contrôleurs. Le point d’indice à la SNCF n’a été relevé que de 1,4 % en juillet dernier. De plus, leur salaire est constitué d’éléments variables, en raison des horaires décalés, de nuit ou des « découchés ». En cas d’arrêt maladie, ces primes disparaissent, tout comme en cas d’invalidité, et les contrôleurs peuvent alors se retrouver au niveau du smic. Leur retraite n’est pas calculée sur l’intégralité des revenus. À cela s’ajoute la détérioration des conditions de travail. Les roulements sont de plus en plus dégradés. Les contrôleurs sont en première ligne face à la colère des voyageurs pour les retards, les annulations de train et les conditions de transport.

Contrairement à ce qui a été indiqué par les médias, il ne s’agissait pas d’une grève surprise. Un préavis avait été déposé depuis un mois par trois syndicats, Sud-Rail, la CFDT et l’­UNSA. Mais si, dans différents endroits, des militants syndicaux ont pu initier l’appel à la grève, la surprise est venue du fait qu’elle s’est largement propagée à la base, par les contrôleurs eux-mêmes, syndiqués ou non. Ils s’en sont faits les militants, y compris dans le milieu CGT qui s’y opposait.

Un collectif national d’ASCT (CNA) s’est ainsi constitué fin septembre. Son groupe Facebook réunit aujourd’hui 3 000 cheminots, uniquement des contrôleurs. Une boucle Telegram, elle aussi réservée à des contrôleurs animateurs de ce mouvement, en regroupe plusieurs centaines. À cela se sont ajoutés des assemblées ou points de rencontre entre contrôleurs dans leurs locaux. Et le 2 décembre le collectif appelait à des assemblées dans tous les établissements

Si les revendications mises en avant sont actuellement exprimées sous forme catégorielle, elles posent toutes la question du pouvoir d’achat, qui est le problème de tous les cheminots et même de tous les travailleurs. Et, si seuls les contrôleurs étaient appelés à se mettre en mouvement, ils ont utilisé l’arme par excellence de tous les travailleurs : la grève. Ils ont rappelé, à l’échelle du pays, le poids qu’ont les travailleurs par leur rôle indispensable dans l’économie.

La presse a parlé des contrôleurs en grève comme de « gilets jaunes ». Elle exprime par ce qualificatif la crainte qu’a le patronat d’un mouvement qui s’organise et se propage par en bas. Il y a en effet une méfiance salutaire et justifiée chez nombre de travailleurs de voir leur mouvement leur échapper, être bradé par les directions syndicales. Par calcul, certains ont choisi d’accompagner le mouvement, d’autres, comme la CGT, s’y sont opposés, plus ou moins ouvertement.

De toute façon, quelles que soient les postures tactiques des uns et des autres, il faudra aller vers un mouvement général, intercatégoriel et contrôlé par les travailleurs, par des assemblées générales et des comités de grève élus. Seul un tel mouvement pourra imposer les revendications vitales du monde du travail et semer la panique dans le camp adverse.

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