Leur société

11-Novembre : commémoration d’une boucherie

Commémorer la fin de boucheries ayant eu pour origine des rivalités économiques entre États concurrents est une tradition à laquelle Macron ne manque évidemment pas de se plier, comme l’ont fait ses prédécesseurs.

Le 11 novembre, la célébration de l’armistice ayant mis fin à la Première Guerre mondiale sera une fois de plus un déferlement de nationalisme à la gloire de l’armée française et de sa victoire.

À l’origine de ce conflit se trouve un repartage des terres entre États impérialistes. La Grande-Bretagne et la France ayant colonisé une grande partie de l’Afrique et de l’Orient, les États européens arrivés trop tard pour le pillage des colonies réclamaient leur part de marché pour développer leur économie. Afin d’arrimer les populations aux intérêts de leurs bourgeoisies respectives, les dirigeants politiques des différents pays menèrent alors une intense propagande nationaliste à laquelle la plupart des partis socialistes formant la Seconde Internationale se plièrent, laissant la voie libre à la bourgeoisie pour envoyer les prolétaires au massacre. Seuls les partis socialistes russe et serbe, et aussi italien, refusèrent de soutenir ouvertement la guerre et, dans d’autres pays comme en France, les militants ne furent qu’une ­poignée à rester sur une base internationaliste, faisant leur le slogan « ­L’ennemi est dans notre pays ».

Depuis 1920, chaque 11 novembre se tient une cérémonie devant la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de triomphe, qui regroupe dirigeants politiques, militaires, anciens combattants et nationalistes de tout poil. Les belles paroles ne manquent pas pour vanter le « sacrifice » de ceux qui ont donné leur vie « pour sauver la patrie et la liberté ». Venant de la bouche des descendants idéologiques de ceux qui envoyèrent des millions de jeunes se faire tuer, ces propos ont un goût amer.

La guerre de 1914-1918 fut une effroyable boucherie, faisant plus de 9 millions de morts, en majorité des hommes jeunes, et 8 millions d’invalides. Pour la France, le bilan a été de 1,4 million de morts et de 3 millions d’invalides. La guerre dressa les uns contre les autres des peuples que rien n’opposait, incluant même des hommes qu’elle était allé chercher dans les colonies. Terrés pendant quatre ans dans des tranchées boueuses sous le feu des bombardements dans des conditions inhumaines, les soldats n’en sortaient que lors d’offensives meurtrières dirigées par des généraux avides de gloire, le tout pour gagner quelques kilomètres de terrain : le bilan fut de 12 km pour la Bataille de la Somme en 1916 !

La seule vraie pression pour mettre fin à la guerre est venue de la classe ouvrière. En Russie, après s’être emparé du pouvoir sous la direction du ­Parti bolchevique en octobre 1917, le premier acte du nouveau gouvernement fut de se désengager du conflit. En Allemagne, c’est dans un contexte de révolution que les dirigeants durent céder et signer l’armistice du 11 novembre 1918.

Aujourd’hui, en France, on assiste déjà à un déluge de propagande nationaliste venant du gouvernement et complaisamment relayée par les journalistes. Cela va de la défense du « produire français », y compris lorsqu’il s’agit de la production d’engins de mort, aux spots de télévision et aux reportages consacrés à l’armée française et à sa collaboration avec l’armée ukrainienne, toujours au nom de la défense de la « démocratie ».

Dans les discours du 11-Novembre devant la tombe du Soldat inconnu, il est de bon ton, pour les dirigeants politiques et les militaires, de prendre quelque distance vis-à-vis des massacres que leurs ancêtres ont perpétrés. Mais cela ne les empêche pas, par ailleurs, de préparer l’opinion à un nouveau conflit pour la défense des intérêts capitalistes, qui pourrait être encore plus meurtrier et dévastateur que la Première Guerre mondiale.

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