Iran : la contestation s’approfondit12/10/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/10/2828.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Iran : la contestation s’approfondit

Quatre semaines après la mort de Mahsa Amini, la contestation contre les dirigeants de la République islamique se poursuit et s’approfondit, malgré la répression.

Au 10 octobre, l’association Iran Human Rights avait recensé 185 morts. À Téhéran et dans les principales villes du pays, les arrestations de manifestants, les tirs de la police, les tabassages dans les commissariats ou en prison n’arrêtent pas les hommes et les femmes, parfois sans voile, souvent très jeunes, qui descendent dans la rue pour crier « Mort au dictateur » ou « Khamenei, nous t’enterrerons ». En s’en prenant à des chefs religieux qui prônent la morale, mais qui sont eux-mêmes milliardaires, corrompus et dépravés, les jeunes manifestants trouvent le soutien d’une large fraction de la population. Le succès viral de la chanson Baraye, composée par Shervin Hajipour, un chanteur iranien populaire, arrêté pour cet acte avant d’être relâché, en atteste. Baraye (« à cause de... » en persan) égrène la liste de tous les interdits dans cette dictature, pour les femmes comme pour toute la population. Elle dénonce pêle-mêle les arrestations arbitraires, la pauvreté, l’impasse économique du régime, la pollution qui ravage le pays...

Dans deux régions, le Baloutchistan et le Kurdistan iranien, sous prétexte que des manifestants étaient armés, la répression a été plus violente. Au Kurdistan, région d’origine de Mahsa Amini, très touchée par la pauvreté où les opposants au régime sont plus organisés, souvent sur la base du nationalisme kurde, parfois en se revendiquant du maoïsme ou du communisme, la police et les Pasdarans ont fait feu, tuant 30 personnes. Un automobiliste a été abattu pour avoir klaxonné contre le régime. Comme partout dans le pays, les blessés fuient les hôpitaux pour ne pas être jetés dans des geôles où la torture est ­quasi systématique.

Dans le sud de l’Iran, sur le complexe pétrolier de ­South Pars, les travailleurs du pétrole se sont mis en grève et ont manifesté pour soutenir la contestation. Ces travailleurs représentent une force, par leur nombre et leur concentration dans un secteur qui fournit la principale ressource économique du pays, et par leurs traditions de lutte. À l’été 2021, ils avaient fait grève pour obtenir la titularisation des contractuels que les patrons de l’industrie pétrolière, proches du régime, avaient embauchés pour réduire les coûts, tirer les salaires vers le bas, dégrader les conditions de travail. Les syndicats officiels étant soumis aux patrons et les syndicats indépendants étant interdits, les travailleurs du pétrole ont pris l’habitude de créer des comités de lutte.

On ne peut que souhaiter que les travailleurs d’autres secteurs, comme l’industrie sucrière ou les transports, eux aussi régulièrement mobilisés, rejoignent la contestation, lui donnent des objectifs de classe en se méfiant des candidats à remplacer la République islamique par une autre dictature, qui ne manquent pas. Déjà les monarchistes sont en embuscade : Reza Pahlavi, le fils du chah, a affirmé depuis New-York sa solidarité avec les femmes iraniennes. D’autres politiciens, parmi les prétendus modérés du régime ou parmi les « démocrates » de tout poil, pourraient rapidement surgir.

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