Socopa – Villefranche : le bagne de Bigard05/10/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/10/2827.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Socopa – Villefranche : le bagne de Bigard

De nombreux reportages dénoncent à juste titre la façon dont les bêtes de boucherie sont traitées dans les abattoirs. Moins nombreux sont ceux qui évoquent ce que vivent les travailleurs chargés du sale travail et qui n’ont pas d’autre choix pour faire bouillir la marmite.

L’usine Socopa de Villefranche d’Allier, à côté de Montluçon, compte 500 ouvriers et une centaine de commerciaux et administratifs. C’est à la fois un abattoir et une usine de transformation appartenant au groupe Bigard, géant du secteur, également propriétaire de Charal. Les malheureuses bêtes entrent par la bouverie, où elles sont contrôlées et numérotées. C’est un moment délicat, où le conducteur comme les bouviers peuvent être blessés par des bêtes énervées et effrayées. Ensuite vient la tuerie, où les bovins sont un à un assommés, saignés, décapités, dépecés, vidés et transformés en carcasses. C’est un travail au couteau, très éprouvant, dans l’humidité, de fortes odeurs et des cadences élevées. Chaque ouvrier fait de 1 200 à 1 400 bovins par semaine de cinq jours.

Puis vient l’immense salle de désossage, avec une douzaine de tapis sur lesquels travaillent une douzaine d’ouvriers. Ils sont employés par des entreprises sous-traitantes, et tâcherons, c’est-à-dire payés au poids de viande désossée. Le travail se fait au couteau, qu’il faut en permanence affiler. La pression du travail à la tâche est forte, la précarité menaçante, car Bigard utilise les sous-traitants pour ajuster l’effectif en permanence. On comprend que les troubles musculo- squelettiques soient nombreux et que les désosseurs ne fassent pas de vieux os…

La viande est ensuite traitée, broyée, salée ou cuite, et congelée de façon industrielle. Les ateliers s’organisent autour d’importantes lignes de production, où la manutention est omniprésente et les cadences soutenues. À la palettisation, par exemple, on porte parfois quatre tonnes à l’heure, seul.

Hormis à la tuerie, le travail se fait à la température d’un frigo, soit 4°C, voire moins 40°C pour certains congélateurs de stockage. Les conditions de travail sont pénibles dans tous les secteurs, au point que, selon la direction, on compte deux départs de l’usine pour une arrivée. La paye repose sur les primes d’assiduité, de panier, d’habillage, de samedi, de transport. Et même avec cela un ouvrier dépasse rarement 2 000 euros net par mois en fin de carrière, pour ceux qui ont tenu le coup. La direction a d’ailleurs une manière bien à elle de traiter les questions d’accident de travail et de carrière longue : elle a licencié cet été un ouvrier en arrêt depuis six mois parce qu’il s’était abîmé l’épaule au travail !

C’est avec ces méthodes que la famille Bigard a fait sa fortune. Elle a un drôle de goût.

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