Ex-URSS : la mort de Gorbatchev31/08/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/09/2822.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ex-URSS : la mort de Gorbatchev

Mikhaïl Gorbatchev vient de décéder. Il y a trois décennies, il se trouva, en tant que dirigeant de l’Union soviétique, porté au premier plan d’événements qui conduisirent à la disparition de l’URSS. On assista alors à la mise en pièces de cet État, de son économie et au vol de ses richesses par la caste dirigeante des bureaucrates dont Gorbatchev avait été le chef.

Pour 280 millions de Soviétiques il s’en suivit un chaos politique, de sanglants affrontements nationaux provoqués par les bureaucrates au pouvoir, un chômage massif et un appauvrissement terrible sur fond de régression de la société.

L’irresponsabilité de la bureaucratie à l’œuvre

Entre l’élection de Gorbatchev à la tête du bureau politique du parti dit communiste de l’URSS, en mars 1985, et l’effondrement d’un système que l’on disait tout puissant, fin 1991, il s’écoula cinq ans. Un laps de temps au cours duquel peu ou prou l’ensemble de la société entra en ébullition au fil des affrontements de pouvoir au sommet. Cette période exposa, sans le fard du prétendu socialisme stalinien, tout ce que cette bureaucratie avait de parasitaire car le pouvoir central – qui la représentait pourtant – n’avait plus les moyens de brider sa rapacité.

Les années Gorbatchev mirent à nu l’irresponsabilité congénitale de la bureaucratie à l’égard de son propre système. Le stalinisme lui avait apporté, un demi-siècle auparavant, une réponse dictatoriale, y compris pour tenir les bureaucrates à titre individuel afin de mieux servir leurs intérêts collectifs. Trotsky et l’Opposition de gauche, qui combattaient la dégénérescence de l’État ouvrier né de la révolution d’Octobre, et l’usurpation du pouvoir de la classe ouvrière par la bureaucratie, avaient alors maintes fois dénoncé cette dernière, sa rapacité et son irresponsabilité comme une des principales menaces pour l’existence même de l’URSS.

C’est ce que démontra la période 1985-1991. Car l’implosion de l’URSS ne résulta pas de la volonté de ses peuples. Au contraire, six mois avant que les rivaux russes, ukrainiens et biélorusses de Gorbatchev ne décident de dissoudre l’URSS, une majorité de la population se prononçait encore pour son maintien lors d’un référendum.

La disparition de l’URSS fut en réalité le fruit de l’activité prédatrice effrénée de millions de bureaucrates, et à leur suite d’une foule de mafieux et d’aspirants bourgeois, auxquels les difficultés de Gorbatchev à établir son pouvoir laissaient les coudées franches.

Marché de dupes et réforme impossible

Gorbatchev accéda au pouvoir alors que toute une génération de dirigeants, aux commandes depuis des lustres, était en train de disparaître. Avec ses 55 ans, il faisait figure de jeunot, bien qu’il ait déjà parcouru une longue carrière de haut bureaucrate. L’ère Brejnev (1964-1982), que Gorbatchev caractérisait comme marquée par la stagnation, l’avait convaincu que le système sur lequel prospérait la bureaucratie – avec sa corruption généralisée, son opacité, même pour ses propres dirigeants, avec les prélèvements d’une masse de bureaucrates sur l’économie étatisée et planifiée – menaçait à terme sa domination en générant toujours plus de blocages, de crises.

L’économie soviétique avait cessé de croître. Son essoufflement se manifestait notamment de la compétition militaire que les États-Unis imposaient à l’URSS. Tout comme en Afghanistan où l’armée du Kremlin affichait ses faiblesses face à des guérillas puissamment armées par l’Amérique.

En 1989, l’armée du Kremlin dut quitter l’Afghanistan. La même année, confronté à la fronde qui se généralisait en Europe de l’Est, Gorbatchev décida de laisser ces États rejoindre le giron occidental, avec la promesse des chefs de l’impérialisme – qu’ils n’ont bien sûr pas tenue – que leur bloc militaire, l’Otan, n’en profiterait pas pour avancer vers l’Est.

C’est tout cela qui vaut à Gorbatchev, encore aujourd’hui, d’être salué comme un « artisan de la paix » par les dirigeants de l’impérialisme.

En URSS même, il envisagea une refonte générale censée rendre l’économie et l’ensemble du système plus efficaces. Ce qu’il appelait perestroïka exigeait comme préalable de mettre en cause certaines rentes de situation des clans de la bureaucratie. Cela de haut en bas de l’appareil d’État, dans les régions, les républiques, dans toutes les branches de l’économie livrées à l’appétit de ces prédateurs.

Ces réformes furent à peine esquissées, mais les milieux dirigeants du pays y virent l’occasion de trouver des appuis au sein de l’appareil étatique contre Gorbatchev. Ce dernier chercha à son tour des relais dans des couches plus larges de la société, dont l’intelligentsia et la petite bourgeoisie, auxquelles il promit une large liberté de parole, la glasnost, et la possibilité de s’enrichir en légalisant de petites unités de commerce ou de production.

La foire aux démagogues

Sur ce terrain, il trouva encore plus démagogues que lui dans la bureaucratie. Ceux-ci, tel le russe Elstine, se firent l’écho des exigences croissantes d’une foule de bureaucrates et de petits bourgeois. Le pillage ouvert de l’économie étatisée s’emballa et, devant les pénuries que cela suscita partout ainsi que le discrédit qui retomba sur le pouvoir central, de hauts bureaucrates à la tête des 15 républiques de l’Union décidèrent qu’il serait plus profitable, à eux et à leur clan, de troquer la vieille étiquette du parti au pouvoir pour celle de défenseurs des intérêts de leur « nation » contre Moscou, siège du pouvoir central.

C’est pour se débarrasser de ce qui restait de la tutelle de ce dernier sur leur parasitisme que les chefs de la bureaucratie russe, ukrainienne et biélorusse décidèrent, fin 1991, de la dissolution de l’URSS.

Avec elle, Gorbatchev disparut de la scène politique. Mais pas la dictature et l’irresponsabilité de la bureaucratie : on le voit de la Russie au Kazakhstan, à l’Ukraine, etc. Pas non plus l’affrontement Est-Ouest dont on disait que Gorbatchev y avait mis un terme, alors que, on le vérifie tragiquement en Ukraine, l’Ouest impérialiste n’a en rien renoncé à imposer sa loi.

Quant à l’idéal communiste, dont les tenants du capitalisme célébrèrent en grande pompe la fin en même temps que celle de l’URSS, il n’est pas prêt de disparaître, tant qu’il y aura des militants pour le défendre et pour affirmer haut et fort que le système capitaliste ne peut pas être l’horizon indépassable de l’humanité, alors qu’il ne cesse de montrer vers quel abîme il l’entraîne.

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