Prix des pâtes : à la sauce spéculation27/07/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/07/2817.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prix des pâtes : à la sauce spéculation

Le prix des coquillettes a augmenté de 57 % en quelques semaines l’hiver dernier, et celui des pâtes en général de 15 % en un an. Voilà un exemple d’aliment de base subissant une inflation que chacun peut constater en magasin.

Quant à dire d’où vient cette hausse, certains l’attribuent à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui entrave les exportations de ces deux grands producteurs de blé. Or cette région du monde n’exporte pas de blé dur, la variété utilisée pour faire des pâtes, mais du blé tendre, dont on fait la farine et le pain. D’autres incriminent donc la sécheresse qui a frappé l’été dernier le Canada, producteur et exportateur important de blé dur. Or le cours en Bourse de cette céréale avait déjà augmenté de 50 % en un an, avant l’été 2021. Il s’est envolé ensuite, le blé dur valant trois à quatre fois plus cher fin 2021 qu’en 2019. Si son prix a depuis un peu reculé, il reste très élevé.

Le lieu où les cours du blé et d’autres céréales sont fixés pour toute la planète est la Bourse de Chicago. Pour les financiers, le blé est un support de spéculation comme un autre. Ils ne spéculent pas que sur son prix, mais aussi sur les contrats d’assurance souscrits contre les aléas climatiques et sur d’autres produits dérivés. En dix ans, de 2003 à 2013, la masse des capitaux misés sur ces marchés a triplé. Quant à 2022, le volume quotidien de transactions financières d’un des fonds spécialisés dans le blé a été multiplié par cent au premier trimestre. Conséquence : le cours du blé peut varier de 10 à 20 % en une seule journée, sans que cela ait un quelconque rapport avec sa production, son transport ou sa transformation en pâtes.

En outre, le commerce mondial des céréales est aujourd’hui concentré entre les mains de quatre groupes capitalistes : Archer Daniel Midlands, Bunge, Cargill et le groupe Louis-Dreyfus. Cette dernière entreprise est toujours aux mains des héritiers du fondateur alsacien, plus d’un siècle et demi après sa fondation. Elle possède sa propre flotte et s’est imposée comme intermédiaire entre les producteurs de blé, auxquels elle achète avec des contrats qui leur garantit un prix, et les industriels qui fabriquent les pâtes, auxquels elle vend le blé au prix fixé à Chicago. Le niveau des stocks détenus par ces quatre groupes capitalistes n’est connu que d’eux seuls : il leur est facile de créer une pénurie artificielle pour vendre plus cher.

Bien sûr, d’autres coûts interviennent dans la fabrication des pâtes : le transport, l’énergie, les emballages. Ces activités sont, tout autant que la commercialisation du blé, aux mains de quelques groupes capitalistes qui peuvent imposer leurs conditions. C’est ce que font aussi les géants de la grande distribution, qui ont également augmenté considérablement les pâtes premiers prix, taxant ainsi les familles populaires.

Nourrir la population ou alimenter les profits : les géants du secteur ont choisi leur priorité.

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