IVG : la Constitution, quelle garantie ?29/06/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/06/2813.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

IVG : la Constitution, quelle garantie ?

Après la décision de la Cour suprême des États-Unis de révoquer le droit à l’avortement sur le plan national, des voix se sont fait entendre en France pour réclamer que ce droit soit inscrit dans la Constitution.

La première à la manœuvre fut la macroniste Aurore Bergé, qui a vu dans cette revendication une occasion d’obtenir un consensus à bon compte dans la nouvelle Assemblée nationale, nul groupe politique n’affirmant ouvertement son hostilité à la pratique de l’IVG. Effectivement, les membres de la Nupes l’ont rejointe sur ce point.

Aurore Bergé a déclaré par cette démarche vouloir « sanctuariser le droit à l’avortement » qui serait alors « inscrit dans le marbre. » Mais l’introduction d’une phrase supplémentaire dans la Constitution apporterait-elle vraiment une garantie aux femmes ? Déjà, alors que l’interruption de grossesse est légale, les obstacles qu’elle rencontre sont multiples, entre les médecins qui font valoir une clause de conscience pour s’y refuser, les lieux pour la pratiquer en nombre insuffisant et le manque d’information, surtout vis-à-vis des jeunes et des plus fragiles.

Mais, surtout, la Constitution ne garantit en fait rien du tout. Celle de 1958, établie sous De Gaulle et toujours valable malgré quelques compléments, fait part de son attachement aux Droits de l’homme tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, et confirme la Constitution de 1946, à commencer par son préambule. Quelques articles sortis de celui-ci sont particulièrement parlants.

Selon l’article 1, « La France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » Mais comment les jeunes Beurs ou Blacks des cités, pourtant bien français eux aussi, pourraient-ils croire à cette égalité ?

Dans l’article 3, on peut lire que « la loi garantit à la femme des droits égaux à ceux de l’homme ». Or, il a fallu attendre 1965 pour qu’une femme puisse travailler ou ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de son mari.

L’article 5 dit aussi que « chacun a le droit d’obtenir un emploi ». Les six millions de chômeurs apprécieront. Et si, selon l’article 11, « la nation garantit à tous la protection de la santé, de la sécurité matérielle, le repos et le loisir », les hôpitaux débordés dans lesquels les soignants ne connaissent pas le repos, des minima sociaux qui ne permettent même pas de survivre sont la réalité de beaucoup de travailleurs et de chômeurs.

Quant à l’article 14, rédigé le 27 octobre 1946, qui dit que « la République française, fidèle à ses traditions […] n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple », il ne fallut même pas attendre deux mois pour qu’il soit battu en brèche par le gouvernement. Le 19 décembre de la même année débutait la guerre d’Indochine. À partir du 1er novembre 1954, le peuple algérien dut affronter plus de sept ans de guerre, de tortures, de massacres, avec au moins un million de morts, pour mettre fin à la colonisation française.

Voilà les garanties dites démocratiques qu’apporte la Constitution aux peuples. Pour garantir le droit à l’interruption volontaire de grossesse comme pour tous les autres droits, les femmes et les hommes solidaires devront se fier à leurs propres forces bien plus qu’à quelque législateur.

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