Vaccins anti-Covid : la mascarade de la levée des brevets22/06/20222022Journal/medias/journalarticle/images/2022/06/P10-2_Brevets_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C74%2C800%2C525_crop_detail.jpg

Dans le monde

Vaccins anti-Covid : la mascarade de la levée des brevets

Après deux années de gestation, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a accouché d’un accord permettant la levée des brevets qui bloquent la fabrication des médicaments nécessaires à la lutte contre le Covid-9. Le rejeton est minable : l’accord est limité à cinq ans et pour les seuls vaccins.

Illustration - la mascarade de la levée des brevets

Comme pour toutes les marchandises, la production des médicaments est soumise aux règles de l’OMC, le gendarme du commerce mondial, qui obligent chaque État membre à respecter les « droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce. » Pour pouvoir fabriquer un médicament, il faut verser des royalties au laboratoire titulaire des brevets, dont la protection financière est ainsi garantie pour une durée de vingt ans.

Dès octobre 2020, alors que le virus se répandait sur toute la planète, l’Inde et l’Afrique du Sud demandaient une levée des droits de propriété intellectuelle pour les vaccins, les tests de diagnostic et les médicaments, afin qu’ils puissent être produits par des industriels locaux, sans avoir à verser de royalties. Il a fallu deux ans de négociations entre ses 164 membres pour que l’OMC accorde ce droit. Des génériques devraient donc pouvoir être fabriqués, mais pas pour les médicaments, seulement pour les vaccins. Et encore…

Car ce n’est pas tout de lever les brevets. Pour fabriquer des vaccins génériques, notamment les nouveaux vaccins à ARN messager, il faut la technologie, le savoir-faire. Des scientifiques ont mis des années à les mettre au point avant que les Pfizer et autre Moderna décident d’investir dès lors que l’infection se répandait sur la planète, que le vaccin à ARN devenait rentable puisque le marché solvable devenait mondial. Ces techniques et ce savoir-faire sont des secrets commerciaux que les industriels gardent jalousement. Sans eux, il sera difficile de produire ces nouveaux vaccins, d’autant plus difficile que l’accord ne prévoit qu’une levée temporaire des brevets, limitée à cinq ans.

Alors que cet accord est une véritable mascarade, l’industrie pharmaceutique s’émeut, fait semblant d’avoir mal. Certains disent craindre pour les investissements, pour l’innovation, qui selon eux serait le fruit de la propriété intellectuelle. D’autres soulignent l’inutilité de la mesure. Ainsi, le directeur du syndicat des entreprises du médicament ose-t-il déclarer : « L’accès aux vaccins n’est pas un problème de production insuffisante du fait de l’existence des brevets – nous sommes en surproduction mondiale aujourd’hui. » Pour ces gens-là, la surproduction ne se mesure que par rapport à la population solvable.

Ce énième épisode dans la saga des vaccins anti-Covid confirme, s’il en était encore besoin, que la production de médicaments par les industriels de la pharmacie n’a pas grand-chose à voir avec la santé publique. Pour bénéficier des avancées médicales, il faudra autre chose que la levée des brevets : ôter aux trusts de la pharmacie le pouvoir qu’ils exercent sur tout le secteur, de la recherche à la production.

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