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Politique

Un échange Lutte ouvrière – NPA

Le 30 avril, le NPA a organisé à la Mutualité à Paris une réunion d’hommage à Alain Krivine, dans laquelle Lutte ouvrière a été invitée à intervenir. Une lettre du NPA a suivi, critiquant cette intervention, ce qui a entraîné une réponse de Lutte ouvrière. Nous publions ci–après cet échange de lettres.

Illustration - Un échange Lutte ouvrière – NPA

De Lutte ouvrière au NPA

Chers camarades,

Dans votre lettre du 5 mai, vous osez qualifier notre intervention à votre réunion d’hommage à Alain Krivine, de « provocation irrespectueuse », comme si le fait de formuler une appréciation politique aurait été inconvenant. C’est pour le moins étonnant.

Vous saviez que si nous intervenions au cours de cette réunion, bien distincte des obsèques qui avaient eu lieu un mois plus tôt, notre hommage à Alain Krivine ne pourrait qu’avoir un contenu politique critique. Nous en avions discuté au préalable, et vous en étiez d’accord. L’appréciation politique formulée par Michel Rodinson en notre nom au cours de son intervention ne pouvait d’ailleurs vous surprendre puisque nous avons eu bien des occasions de l’exprimer dans le cadre de nos relations.

Libre à vous de considérer que cette intervention était une dénonciation « au vitriol », ou de lui attribuer une tonalité « insultante et méprisante », ce qui n’était nullement le cas. Chacun peut évidemment en juger en lisant le texte de cette intervention ou en en regardant l’enregistrement vidéo. L’essentiel pour nous est dans les considérations politiques qu’elle contenait et qui à notre avis méritaient autre chose que les hurlements par lesquels une partie de la salle les a accueillies. Nous discutions d’une orientation de fond de votre courant politique, dont Alain Krivine a été longtemps un inspirateur et dont, soit dit en passant, votre orientation actuelle dans les élections ne peut être séparée. Y compris par respect pour la mémoire d’Alain Krivine, nous ne pouvions que formuler nos appréciations. Elles avaient tout à fait leur place dans une réunion au cours de laquelle différentes tendances s’exprimaient. Quant à la discussion qu’elles méritent, elle ne peut pas être remplacée par des cris d’orfraie.

En ce qui nous concerne, nous retiendrons de votre lettre qu’une critique de vos orientations s’assimile pour vous à une provocation. C’est du moins le cas quand cela vient de nous car il n’en est visiblement pas de même quand cela vient d’autres bords politiques, puisque la même salle a applaudi sans problème diverses personnalités qui ont été formées par la LCR avant de l’abandonner pour mener soit une carrière, soit même une autre politique. Nous savons que la confrontation politique est parfois rugueuse, comme vous le notez d’ailleurs. Visiblement, votre épiderme ne ressent pas cette rugosité de la même façon suivant le côté d’où elle vient. Nous le regrettons, surtout pour vous, mais nous n’avons aucune raison de nous en excuser et cela ne peut évidemment en rien modifier nos opinions.

Pour nous, un comportement digne du mouvement ouvrier révolutionnaire consiste à formuler les critiques, à confronter honnêtement et sans concession les points de vue des uns et des autres pour en tirer les leçons, sans chercher à les noyer sous des cris ou des sifflets.

La façon dont vous nous avez accueillis et dont vous réagissez ne change cependant rien à l’invitation à venir à notre prochaine fête et à y débattre avec nous, si vous le souhaitez. Nous pouvons dans ce cas vous assurer que vos représentants y seront comme d’habitude bien accueillis, de façon fraternelle et bien mieux en tout cas que vous n’avez accueilli le nôtre en cette réunion du 30 avril.

Bien cordialement, le Comité exécutif de Lutte ouvrière, le 7 mai

La lettre du NPA

Camarades,

Les mots sont difficiles à trouver pour exprimer, en gardant la mesure, l'étonnement et la colère ressentie par les centaines de personnes réunies samedi 30 avril pour l'hommage à notre camarade Alain Krivine.

Depuis des décennies, la LC, devenue LCR puis NPA, et Lutte ouvrière se côtoient dans des mobilisations, discutent, polémiquent plus ou moins rugueusement, ont parfois fait des alliances électorales. Elles ont même, à une époque, envisagé de fusionner. Autrement dit des relations «normales » entre deux courants révolutionnaires respectueux, collectivement, de leurs cadres respectifs et, individuellement, de leurs militan•e•s.

C'est pourquoi nous avons été profondément heurté•e•s, blessé·e·s même, par l'intervention de Michel Rodinson, faite au nom de la direction de Lutte ouvrière. Il a en effet jugé bon d'utiliser comme tribune l'hommage que nous vous avions proposé de prononcer pour, une fois expédié le salut à la fidélité d'Alain, passer au vitriol les politiques menées par notre courant international et sa section française dont Alain a été un des dirigeants durant soixante ans. Michel Rodinson est même allé jusqu'à polémiquer sur notre orientation concernant les prochaines élections législatives, à propos de laquelle, vous nous l'accorderez, Alain n'a aucune responsabilité...

Le tout avec une tonalité que nous ne détaillerons pas, mais volontairement insultante et méprisante, délibérément choisie pour blesser l'assistance. Cette attitude, inacceptable dans les rapports entre organisations du mouvement ouvrier, a fortiori lors d'un hommage, ne peut être vécue que comme une agression politique de votre part contre notre courant, constituant une rupture du cadre de confiance et du respect qui pouvait exister entre nous. Maintenir et justifier une telle attitude entraînerait une altération majeure de nos rapports à venir, y compris sur notre possible participation à vos futures initiatives.

Nos désaccords, que ce soit sur nos conceptions de la solidarité internationaliste, sur l'analyse de la situation ou sur les choix de tactiques électorales, sont légitimes. Nous ne nous sommes jamais dérobé·e·s à la confrontation, voire à la polémique, y compris publique, qui sont pour nous une bouffée d'oxygène indispensable à la réflexion politique. Au-delà des rapports entre nos organisations, c'est même pour nous un élément sans lequel un mouvement ouvrier vivant ne peut exister. Nous vous avions d'ailleurs proposé, suite à la séquence présidentielle, une réunion «bilans et perspectives » pour échanger sur les rapports de forces issus de cette séquence et les formes possibles d'intervention des révolutionnaires, entre autres autour des législatives. Vous avez refusé, nous renvoyant à un débat pendant votre fête, soit après la date de dépôt des listes. Dont acte.

Mais ce qui s'est passé lors de l'hommage à Alain Krivine n'a rien à voir avec la confrontation d'idées, et tout à voir avec une provocation irrespectueuse, à propos de laquelle nous nous devions de vous interpeller. Dans l'attente d'une réponse et, nous l'espérons, des nécessaires excuses de votre part, a fortiori dans la mesure où cet incident s'est produit quelques jours après que vous nous avez invités à votre fête, nous rendons publique cette lettre, ainsi que la vidéo de l'intervention de Michel Rodinson.

Le 5 mai, le Comité exécutif du NPA

On peut lire le texte de l'intervention de Michel Rodinson sur le site de Lutte ouvrière, à l'adresse https://www.lutte-ouvriere.org/communiques

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