Leur société

Huile : faire de l’or avec le tournesol

Depuis plusieurs semaines, les bouteilles d’huile de tournesol ont quasiment disparu des rayons des supermarchés et le prix de la tonne d’huile de tournesol a augmenté de 40 % en un an, passant de 1 540 à 2 130 euros en mars.

Deux coupables ont été immédiatement désignés pour expliquer ces pénuries : la guerre en Ukraine et le comportement prétendument individualiste des consommateurs ou des restaurateurs qui font des stocks. Ces deux accusés ont bon dos.

S’il est vrai que l’Ukraine et la Russie assurent à elles deux 80 % de la production mondiale de tournesol, les récoltes ont eu lieu à la fin de l’été dernier et la majeure partie de ce tournesol a été transformée et expédiée depuis longtemps. Bien sûr, la prolongation de la guerre risque d’empêcher les nouveaux semis, ce qui réduira drastiquement la prochaine récolte tandis que l’expédition du tournesol par bateau via la mer Noire, fermée à la navigation, est bloquée. L’une des causes de la flambée actuelle des prix est donc l’anticipation par les courtiers internationaux d’une pénurie, possible mais encore à venir. C’est de la spéculation.

Une autre raison, tout aussi spéculative, est la constitution de stocks par des grossistes à toutes les étapes de la distribution. Ce que font en petit les ménages, légitimement inquiets d’une possible rupture de stock, est pratiqué à très grande échelle par les grands groupes de l’agroalimentaire ou de la distribution. L’huile de tournesol est massivement utilisée pour fabriquer chips, biscuits, plats cuisinés, pâtisseries industrielles et additifs alimentaires. Pour des compagnies comme Neslé, George Weston ou Mondelez, l’huile est une matière première dont elles négocient l’achat par dizaines de milliers de tonnes auprès de courtiers comme Cargill ou ADM, les deux plus grandes sociétés mondiales de négoce agroalimentaire. Les lois du marché capitaliste, c’est-à-dire la loi de l’offre et la demande, la loi du plus fort en l’absence de toute planification, provoquent pénuries et flambée des prix.

Pour les capitalistes qui produisent, transforment et commercialisent l’huile de tournesol, tous ces aléas engendrés par la guerre permettent de la transformer en or. Pour les consommateurs finaux, c’est-à-dire les classes populaires, c’est régime maigre quand ce n’est pas, pour des millions de pauvres dans le monde, carrément la famine.

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