Afrique : laissée pour compte du transport maritime04/05/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/05/2805.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afrique : laissée pour compte du transport maritime

La politique de confinement choisie par le gouvernement chinois pour lutter contre la résurgence de l’épidémie conduit à un nouvel encombrement des ports du pays considéré comme « l’atelier du monde », annonçant de nouvelles perturbations dans le transport maritime et, partant, dans l’économie mondiale.

La tempête qui vient n’aura pas les mêmes conséquences pour tout le monde. Les armateurs y trouveront une nouvelle occasion de s’enrichir. Les années 2020 et 2021 ont en effet été à la fois l’occasion du plus grand désordre dans le commerce maritime et des plus grands profits pour les alliances d’armateurs qui se partagent le marché. Mais, à l’autre bout de la pyramide de l’exploitation, les dizaines de millions de travailleurs d’Afrique dont la survie dépend du commerce mondial descendront une marche de plus vers la misère.

Aussi pauvre soit-elle, l’Afrique est insérée dans le marché mondial et dépend de ses ports. Le commerce par conteneurs, qui concerne quasiment tous les produits manufacturés, y est monopolisé par MSC, Maersk et CMA-CGM, trio de tête de la piraterie mondiale. Entre les continents, les conteneurs voyagent sur des navires géants capables d’en embarquer plus de 20 000. Mais, à cause de leur tirant d’eau de 16 mètres, ces bateaux ne peuvent aborder que dans cinq ports sur tout le continent africain. Deux d’entre eux sont des ports de transbordement des lignes internationales, tournés en fait vers l’Europe : Tanger-Med à la sortie de la Méditerranée, et Port-Saïd, à l’entrée du canal de Suez. Durban, port industriel d’Afrique du Sud et Alexandrie, au débouché du Nil, ne peuvent desservir le continent, vu leur situation géographique. Reste Lomé, au Togo, sur la façade ouest du continent, et rien sur la façade est.

Les conteneurs doivent donc être transbordés sur de plus petits navires à partir de Tanger-Med et surtout de Lomé, ou bien être transportés depuis l’Europe, l’Asie ou l’Amérique sur des porte-conteneurs de moindre capacité. Cela réduit la rentabilité de l’opération au regard de celle obtenue sur les grandes routes maritimes parcourues par les super-porte-conteneurs.

La rentabilité du transport de conteneurs est également obérée par la situation même de l’Afrique. Si le continent est exportateur de matières premières, qui partent sur d’autres navires que les porte-conteneurs, il est importateur net de biens de consommation. Les conteneurs qui apportent des marchandises à Abidjan ou Lomé repartent souvent à vide, faute de produits manufacturés à exporter. Les armateurs font donc payer à leurs clients le prix du retour à vide.

Au moment du grand embouteillage post-Covid et de l’explosion concomitante de leurs profits, les armateurs ont un peu plus resserré le garrot sur l’Afrique, supprimant des lignes entières. Des escales prévues sont supprimées par simple notification, car les navires ont du retard, charge aux clients de récupérer leurs conteneurs dans un autre port du continent. Devant la puissance du premier armateur mondial, les protestations d’un patron ivoirien ou même d’un ministre sénégalais ont alors peu de poids. Enfin, les tarifs ont encore plus augmenté qu’ailleurs. Ainsi, en décembre 2021, le prix moyen sur la ligne Shangaï-Lagos était de 55 dollars, par mille marin et par conteneur, mais seulement de 20 dollars par mille et par conteneur sur Shangaï-New York.

Ces tarifs de gangsters et l’arrêt de l’économie de fait mettent au chômage une partie des travailleurs des ports et des zones industrielles qui leur sont liées, et rongent le niveau de vie des toutes les populations. Dans le même temps les bénéfices de MSC, Maersk et CMA-CGM ont atteint des records. Si la propriété c’est le vol, que dire de la concentration du capital ?

Partager