Leur société

Le vote Le Pen en outre-mer : un rejet de Macron

Marine Le Pen a remporté une très large majorité au deuxième tour de l’élection présidentielle dans les quatre départements et régions d’outre-mer, hors océan Pacifique : Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion.

L’ampleur du score confine à un plébiscite : près de 70 % des voix en Guadeloupe ; plus de 60 % à la Martinique et la Guyane, près de 60 % à La Réunion.

Naguère, des groupes de militants nationalistes et d’extrême gauche empêchaient Jean-Marie Le Pen d’atterrir en Guadeloupe et en Martinique, avec l’assentiment de la population. Cette époque était révolue bien avant ce deuxième tour. Il y a quelques semaines, la dirigeante du Rassemblement national s’était rendue en Guadeloupe pour la première fois. Une cinquantaine de militants nationalistes et communistes révolutionnaires avaient alors manifesté devant les locaux de France télévision puis à son hôtel. L’interview qu’elle devait donner n’avait pu avoir lieu. Les organisateurs de cette manifestation n’ont alors pas trouvé un membre de la population, en dehors du milieu militant, pour les soutenir. Ce qui revenait le plus souvent était : « Il fallait la laisser parler », puis, « Il faudrait l’essayer, elle aussi .»

Marine Le Pen aura bien réussi sa dédiabolisation. L’argument de son racisme, auquel la population en majorité noire et indienne était si sensible, ne marche plus depuis longtemps déjà. De plus, avec l’effondrement des grands partis de gauche (PS, PC) et de droite, les notions de droite, de gauche et d’extrême droite ne sont plus du tout des repères dans la population.

Son seul repère a été l’opposition au président en place. Les mêmes qui avaient très massivement voté pour Mélenchon, qui arrivait de très loin en tête au premier tour, ont voté en grande majorité Le Pen au deuxième tour avec un supplément de voix important. Par exemple, les cinq communes de Guadeloupe (La Désirade, Port-Louis, Petit-Canal, Sainte-Rose, Capesterre-Belle-Eau) ayant voté le plus pour Le Pen au deuxième tour avaient voté parfois très massivement pour Mélenchon au premier tour. On ne peut donc pas dire, comme déclarent certains, que le vote Le Pen était un vote favorable au programme du Rassemblement national, un vote d’adhésion. On en est loin. Au deuxième tour, il y avait Macron et une opposante. L’électorat des Antilles-Guyane a voté pour l’opposante.

Le mécontentement est grand au sein de la population des Antilles-Guyane. La hausse des prix de ces derniers mois n’a fait que le renforcer.

La pauvreté gagne du terrain, le chômage oscille entre 18 et 25 %. La délinquance chez les jeunes des quartiers est quotidienne. Une grande désespérance règne dans la jeunesse. Les services publics sont de plus en plus déficients : celui de la poste, et surtout celui de l’eau courante, particulièrement en Guadeloupe.

La politique vaccinale du gouvernement aura aussi joué dans ce vote. La révolte sociale du mois de novembre en Martinique et en Guadeloupe, partie de la suspension sans salaires de milliers de soignants, de médecins et d’infirmiers libéraux, sans aucune réponse du gouvernement autre que la répression, a renforcé dans la population ce sentiment d’être méprisée par Macron.

Des travailleurs en grève depuis des semaines à Carrefour Market, en Martinique, ont dit avoir voté Le Pen parce qu’ils sont en colère contre le gouvernement. D’autres travailleurs, syndiqués à la CGTM, ont dit la même chose. Le vote Le Pen a été en outre-mer plus qu’un rejet, un véritable vote de représailles contre Macron.

Que le mécontentement d’une bonne fraction des travailleurs et des classes populaires se soit porté si massivement sur le vote pour une dirigeante d’un parti d’extrême droite, fascisant, truffé de racistes, permet donc de mesurer la responsabilité de la politique de Macron, mais aussi celle des grands partis de gouvernement de droite et de gauche. Ces partis et Macron ont fait le lit de l’extrême droite en augmentant le désespoir des classes populaires par leurs attaques antiouvrières, en affaiblissement considérablement les revenus de ces classes défavorisées.

Parmi les 50 % et plus d’abstentionnistes, il y en a aussi eu beaucoup, très mécontents, qui n’ont pas voulu choisir entre la peste et le choléra. Comme dans l’Hexagone.

Fort heureusement, les travailleurs de Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion, sont combatifs contre le patronat exploiteur. Par exemple, les travailleurs de Carrefour Market, en Martinique, qui ont voté Le Pen, sont encore en grève aujourd’hui.

Leur combativité et leurs luttes représentent un espoir pour l’avenir.

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