Union européenne : unité de façade et intérêts divergents30/03/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/03/2800.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Union européenne : unité de façade et intérêts divergents

Au cours du Conseil européen qui s’est tenu à Bruxelles les 24 et 25 mars, les représentants des 27 États membres de l’Union européenne (UE) devaient tenter de définir des positions communes face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Dans la plupart des domaines, ils ont eu bien du mal à aller au-delà de déclarations d’intentions très générales.

La solution trouvée pour tenter de limiter la hausse des prix de l’énergie consisterait à acheter du gaz en commun. En réalité c’est loin de faire l’unanimité. « L’Allemagne et d’autres pays restent très sceptiques sur tout interventionnisme, on risque de mettre en péril nos approvisionnements sans avoir d’effet durable sur les prix », a ainsi déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz. Faisant lui aussi partie des sceptiques, le Premier ministre hollandais, Mark Rutte, a insisté sur le fait que le marché européen « est complexe et recouvre des milliers de contrats, des centaines d’acteurs, avec des différences énormes entre les régions ».

La fixation d’un prix de gros sur le marché européen constitue un autre sujet d’affrontement. Macron a déclaré qu’il fallait déconnecter le prix de gros de l’électricité de celui du gaz naturel, de façon à prendre davantage en compte l’électricité d’origine nucléaire. Une telle modification avantagerait bien sûr la France, qui dispose d’un important parc nucléaire, et beaucoup moins l’Allemagne, qui y était d’ailleurs plutôt hostile jusque-là. Et rien ne dit, malgré la hausse des cours du gaz, que cela ait changé.

Enfin, le Conseil européen a adopté une « boussole stratégique », un texte censé définir les grandes lignes de la politique de défense et de sécurité de l’UE pour les dix prochaines années. Le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Sécurité a prétendu y voir un grand tournant. En réalité, la montagne a accouché d’une souris : loin de prévoir une armée commune, le document se limite à envisager « à l’horizon 2025 » une force de déploiement rapide composée de 5 000 soldats. Certes, les États se sont entendus pour augmenter leurs dépenses militaires. Mais, chacun restant maître de son budget et de ses décisions, il n’y a pas de boussole commune et les oppositions d’intérêts reprennent vite le dessus. Si l’Allemagne a annoncé une centaine de milliards d’euros pour mieux équiper son armée, elle achètera des avions de chasse américains F35, des avions de patrouille maritime P8 à Boeing. C’est dédaigner les matériels européens, par exemple le fameux Rafale de Dassault.

Loin de faire naître une identité commune, chaque crise donne lieu à une foire d’empoigne plus ou moins exacerbée. Sur la question énergétique ou sur celle de la défense, les États membres de l’Union européenne doivent constamment trouver des compromis satisfaisant leurs intérêts nationaux, c’est-à-dire ceux de leurs capitalistes les plus puissants. Pour ceux-ci, l’Union européenne est une arène où ils ne cessent jamais de s’affronter. Les conséquences de la guerre en Ukraine pourraient rendre ces intérêts de plus en plus divergents.

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