Nucléaire : l’État à la botte du capital16/02/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/02/2794.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Nucléaire : l’État à la botte du capital

Lors de la campagne électorale de 2017 et jusqu’à il y peu, Macron et la majorité de ses concurrents prônaient la modération en matière de centrales nucléaires.

Il s’agissait certes d’assurer la continuité des profits de la filière en finançant la recherche, l’installation en France et la vente à l’export du nouveau réacteur EPR, quels que soient le prix, les retards, les incidents.

Il était également alors question de fermer les centrales vieillissantes et de promouvoir des énergies de remplacement. Tout au plus les partis de gouvernement, successivement arrivés aux affaires, se disputaient-ils sur le rythme à suivre.

Le brusque changement de politique a été officialisé le 10 février, par l’annonce présidentielle de la construction de six EPR de deuxième génération, du maintien en vie de toutes les vieilles centrales, du lancement d’un programme de petits réacteurs nucléaires et du projet de cinquante champs d’éoliennes offshore. Là encore, malgré l’approche de l’élection et la concurrence entre partis, il y a eu peu de contestation de la part des prétendants au pouvoir, hormis Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, et moins encore venant des commentateurs. Et tous de faire assaut de ce qu’ils qualifient de réalisme : la demande en électricité augmente, donc il faut en produire plus, et le nucléaire est le moins cher, le moins polluant, le moins dépendant du marché mondial.

La demande en électricité est tirée par l’utilisation croissante des communications électroniques, conséquence de la lutte acharnée des géants du Net pour créer la demande et faire exploser leurs profits. Elle va également augmenter rapidement du fait de la multiplication des voitures électriques, politique choisie par les grands groupes automobiles et financièrement soutenue par les États. Cette demande croissante d’électricité est donc la conséquence des décisions de quelques groupes, des orientations choisies par une coterie d’actionnaires pour rentabiliser leur capital.

Les maîtres ayant fait leurs choix, le devoir de chaque État est de procurer à ses capitalistes les crédits, les marchés et les fournitures requises, en l’occurrence du courant électrique, et de le faire au mieux de leurs intérêts. En ce sens, en France, il est logique de continuer à développer la filière nucléaire, déjà existante et susceptible d’apporter encore bien des joies aux capitalistes hexagonaux qui construisent les centrales. Voilà pourquoi les dangers, les coûts, l’impossibilité actuelle de traiter les déchets ont disparu du discours politique, quoiqu’ils soient toujours réels. Puisque la bourgeoisie française a besoin d’électricité, et plus particulièrement d’électricité nucléaire, la messe est dite et elle l’est pour tout le monde.

La question n’est pas de savoir si on est pour ou contre le nucléaire, pour telle ou telle source d’énergie, si les EPR vont un jour fonctionner et à quel prix, et de quelle quantité d’électricité le monde aura besoin dans vingt ans. Qu’en sait-on, et qu’en savent-ils d’ailleurs ? La question est de savoir si l’humanité va laisser une poignée d’irresponsables uniquement guidés par leur profit immédiat décider de son sort, suivis béatement par des responsables politiques qui ne savent que bénir après coup les décisions patronales en se donnant l’air d’y pouvoir quelque chose.

Partager