Kazakhstan : après deux semaines de soulèvement populaire19/01/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/01/2790.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Kazakhstan : après deux semaines de soulèvement populaire

À Almaty, capitale économique du Kazakhstan où ont eu lieu les affrontements les plus sanglants entre manifestants et policiers, « l’ordre constitutionnel a été rétabli » comme dans le reste du pays, selon ce qu’a déclaré le président Tokaïev.

Les représentants des compagnies américaines Chevron et ExxonMobil, entre autres, qui lui avaient demandé dès le 6 janvier de « faire cesser les désordres » – en fait les manifestations et les grèves qui paralysaient nombre d’entreprises – ont donc eu satisfaction.

Les « 20 000 terroristes islamiques entraînés, armés et manipulés par un centre situé à l’étranger » qui, selon ce que prétendait Tokaïev, « fomentaient un coup d’État » auraient donc été écrasés. À moins qu’ils se soient évaporés dans la nature, car nul n’en a jamais trouvé trace.

En revanche, on retrouve petit à petit celle de personnes disparues durant ces deux semaines de quasi-insurrection contre le régime. Et bien souvent c’est dans les morgues des grandes villes que ceux qui n’ont plus de nouvelles d’un proche retrouvent son cadavre, avec la trace de tirs mortels. Et depuis des jours, des reportages font état de queues devant ces morgues. Autant dire que même les 235 morts que reconnaissent les autorités sont sans aucun doute loin du compte.

L’intervention des 3 000 militaires russes et de leurs blindés se donnait officiellement pour tâche de sécuriser les lieux du pouvoir et bâtiments officiels que les sbires de Tokaïev avaient dû abandonner devant la pression des manifestants. Mais, outre à sauver la mise de la clique au pouvoir, cette intervention visait aussi à permettre à la Garde nationale kazakhe de se concentrer sur ses seules tâches répressives.

Elle l’a fait avec énergie, si l’on en juge par l’envolée du nombre des arrestations. Il y en a 10 000, disent les autorités. Mais ce chiffre officiel dissimule plus qu’il ne révèle la réalité de la répression. Des vidéos ont montré un homme que le régime avait arrêté, détenu sans jugement et torturé pour lui faire avouer qu’il était un terroriste agent de l’étranger, avant de devoir le relâcher… parce qu’il s’agissait d’un chanteur connu ! Et il y a tous ceux, inconnus, des jeunes souvent, que la police a arrêtés à Almaty en les inculpant de pillage, alors qu’ils ne faisaient que manifester, voire passer près d’un barrage de police. Les informations manquent sur l’ampleur de la répression en province, même si l’on a appris que, dans l’ouest, à Janaozen et Aktau, là où le mouvement a débuté parmi les ouvriers du pétrole, la police est intervenue pour interdire des manifestations et disperser des grévistes juste après le débarquement des parachutistes russes.

On sait de la répression qu’avait menée le régime contre les grévistes du pétrole, il y a dix ans déjà à Janaozen, qu’elle ne s’était pas terminée avec le massacre de 16 manifestants ouvriers. Pendant des semaines, la police politique avait continué à faire la chasse aux « meneurs », aux militants, et les tribunaux avaient multiplié les condamnations à des années de prison.

Cette répression n’avait pas pu briser la combativité ouvrière ni à Janaozen, ni dans sa province. En a témoigné la vague de grèves qui a secoué cette région l’été dernier : des grèves interdites, mais qui ont souvent obtenu, entre autres, des hausses de salaires de 50 %, voire 100 %... À hauteur donc du doublement des prix du gaz qui, quelques mois plus tard, a fait exploser la colère des travailleurs, et plus généralement de la population, contre le régime.

Alors, en ce début d’année, ce que l’on peut souhaiter, c’est qu’une fois encore la répression des parasites au pouvoir ne puisse pas venir à bout du courage et de la combativité des travailleurs kazakhs.

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