Armateurs géants : piraterie à grande échelle19/01/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/01/2790.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Armateurs géants : piraterie à grande échelle

Maersk, premier armateur mondial pour le trafic de conteneurs, a publié par anticipation ses résultats financiers pour 2021.

Il prévoit un bénéfice avant impôts de 24 milliards de dollars, soit au final 16 milliards de dollars de cash dans ses caisses. La société décrit ce bénéfice colossal comme le « résultat d’une situation exceptionnelle du marché causée par des difficultés sur la chaîne logistique mondiale ». Les difficultés en question, engorgement des ports, retards de livraisons, ruptures d’approvisionnement dans plusieurs branches d’industrie ne doivent que peu à l’épidémie de Covid mais beaucoup à la politique passée et présente des armateurs géants.

Le transport par conteneurs, les progrès logistiques, informatiques, navals, l’aide multiforme des États ont conduit à ce que 90 % du commerce mondial passe par mer. Il n’est pas rare que des produits semi-finis fassent plusieurs allers-retours entre diverses usines et divers continents, rendant l’industrie mondiale très dépendante de la fluidité du trafic maritime. Par ailleurs, la tendance à la concentration des entreprises capitalistes fait que le trafic de conteneurs est dominé par trois groupes, Maersk, MSC et CGA-CGM. La course à la taille, celle des navires conditionnant celle des installations portuaires, conduit à la réduction du nombre de ports.

Les grands navires ne peuvent décharger, par exemple, qu’en deux points seulement de la côte ouest des États-Unis, d’où l’encombrement en mer et sur terre. Sachant qu’il faut un camion par conteneur, qu’un navire en décharge plusieurs milliers et que plusieurs abordent en même temps, il faut plus que des autoroutes, même américaines, pour évacuer les marchandises. L’épidémie, l’arrêt temporaire de certaines usines et ports chinois en particulier, puis la reprise générale et rapide du trafic auraient dans ces conditions été le caillot de trop précipitant l’infarctus d’un système déjà engorgé.

Cette version officielle des armateurs et des commentateurs n’est déjà pas à la gloire du système capitaliste. Mais la vérité est plus lamentable encore. Connaissant bien le problème, et pour cause, les armateurs l’ont sciemment amplifié pour faire monter les tarifs. Ils ont volontairement réduit l’offre de conteneurs, laissant leurs navires à l’ancre, et sont parvenus à faire monter les prix de 80 % puis à les maintenir à ce niveau tout l’an dernier. Ainsi, ils n’ont pas fait leur fortune en faisant fonctionner l’économie, mais en utilisant leur position de force pour en tirer profit en accentuant ses dysfonctionnements.

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