Leur société

Chlordécone : recul limité de l’État

Le gouvernement vient de reconnaître comme maladie professionnelle le cancer de la prostate lié à une surexposition aux pesticides, dont le chlordécone, longtemps utilisé dans les champs de bananes aux Antilles.

Jusqu’à présent, l’État français niait contre l’évidence le lien entre ce cancer et le chlordécone. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : on compte aux alentours de 220 nouveaux cas de cancer de la prostate par an pour 100 000 hommes en Martinique et en Guadeloupe, contre moins de 40 cas pour 100 000 en métropole.

Les travailleurs exposés au chlordécone pendant au moins dix ans pourront prétendre à des indemnités si leur cancer se déclenche moins de quarante ans après l’exposition au pesticide. Ce sont des délais similaires à ceux qui existent pour la maladie de Parkinson, une autre maladie professionnelle liée au contact prolongé avec les pesticides. Mais les associations impliquées dans la lutte pour faire reconnaître les victimes du chlordécone demandaient toutes un temps d’exposition minimum de cinq ans.

Les travailleurs de la banane ne sont pas les seuls à pâtir de l’utilisation du chlordécone dans les bananeraies, qui a duré jusqu’en 1993, alors que sa nocivité était connue depuis les années 1970, et qu’il était interdit aux États-Unis dès 1975, en métropole à partir de 1990. Les rivières et les littoraux sont pollués pour des centaines d’années, 90 % de la population des Antilles est contaminée à diverses doses. D’autres pathologies, touchant cette fois les femmes, sont probablement favorisées par l’exposition à ce pesticide : le cancer du sein et l’endométriose.

Le combat n’est donc pas fini. Mais c’est l’explosion sociale actuelle qui a obligé l’État français à commencer à revoir sa copie après des décennies de complaisance avec les patrons békés de la banane et d’inaction pour réparer les dégâts. Cette reconnaissance est un premier acquis de la mobilisation.

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