Soudan : la caution démocratique a fait long feu05/01/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/01/2788.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Soudan : la caution démocratique a fait long feu

Le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a démissionné le dimanche 2 janvier. Ce dirigeant civil avait accepté de servir de caution aux chefs militaires qui dirigent le pays, et était à ce titre qualifié de traître par les manifestants qui semaine après semaine descendent dans la rue.

Quelques heures avant l’annonce de cette démission, des milliers de manifestants avaient une nouvelle fois marché sur le palais présidentiel à Khartoum, la capitale. Ils avaient dû y affronter une pluie de grenades lacrymogènes. Les ponts qui relient Khartoum aux banlieues ouvrières avaient été bloqués par des blindés armés de mitrailleuses et les forces de répression avaient ouvert le feu. Deux personnes avaient été tuées dans la ville ouvrière d’Omdourman, la jumelle de Khartoum située de l’autre côté du Nil. C’était la douzième manifestation massive depuis le coup d’État du 25 octobre qui avait permis aux militaires et à leur chef, le général Al-Bourhane, d’évincer les civils siégeant avec eux à la tête de l’État. 56 manifestants ont été tués au cours de ces manifestations.

Sur le terrain, ce sont des comités de quartier qui sont le moteur de la résistance. Ils répondent aux appels de l’Association des professionnels soudanais, qui avait déjà organisé la lutte contre le dictateur Omar el-Béchir en 2019. Dans les manifestation, on trouve de nombreuses femmes, des jeunes, des travailleurs. Tous réclament un régime « civil et laïque », avec d’autant plus d’insistance que les militaires s’appuient sur les intégristes religieux et l’ancien parti d’Omar el-Béchir

Abdallah Hamdok était devenu Premier ministre en août 2019, après le renversement d’Omar el-Bechir à l’issue de plusieurs mois de manifestations populaires. Il avait alors dirigé un gouvernement dans lequel se côtoyaient civils et chefs de l’armée, mais où les militaires conservaient la mainmise sur les forces de répression et contrôlaient l’essentiel de l’économie du pays. Les civils, eux, avaient en charge de faire accepter des mesures d’austérité à la population, qui s’était initialement révoltée sous Omar el-Bechir contre la hausse du prix du pain.

Hamdok a bien rempli sa part du contrat. Pour complaire au Fonds monétaire international, il a dévalué la livre soudanaise et laissé filer la hausse des prix, aggravant la pénurie en produits de première nécessité et affamant encore un peu plus les familles pauvres.

Les militaires, eux, n’ont pas cédé une miette de leur pouvoir et, quand ils ont estimé que la comédie avait assez duré et que les civils s’étaient suffisamment déconsidérés, ils ont perpétré leur coup d’État. Le 25 octobre 2021, l’armée a arrêté les opposants et sauvagement réprimé ceux qui voulaient résister. Hamdok ainsi que ses ministres avaient alors été arrêtés mais, les manifestations continuant de plus belle, les militaires l’avaient finalement libéré et placé à la tête d’un nouveau gouvernement composé uniquement de militaires.

Hamdok a donc accepté pendant quelques mois de jouer à nouveau le jeu. Il laissait entendre qu’il pourrait amadouer les militaires avec le soutien des institutions internationales et parvenir ainsi, malgré tout le sang versé par l’armée, à un accord entre civils et militaires en vue d’élections générales. En fait il espérait surtout, comme les militaires, faire refluer la vague de manifestations. Mais, au bout du compte, celles-ci en continuant ont montré qu’il ne servait à rien.

Les manifestants n’avaient aucune illusion sur Hamdok, et sa démission ne change donc rien pour eux. Ils peuvent même se dire à bon droit que la dernière manœuvre des militaires a échoué et s’en sentir plus déterminés à continuer les manifestations, dont la suivante est prévue le 9 janvier.

Partager