Décembre 1991 : la fin de l’URSS, un recul pour toute l’humanité05/01/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/01/2788.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 30 ans

Décembre 1991 : la fin de l’URSS, un recul pour toute l’humanité

En décembre 1991, les dirigeants de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) proclamaient sa dissolution. Les commentateurs occidentaux présentèrent l’événement comme l’échec du communisme. Mais si l’URSS était un État ouvrier, né de la révolution d’Octobre 1917, la bureaucratie stalinienne qui y avait pris le pouvoir dès les années 1920 ne défendait plus les intérêts de la révolution mondiale.

La fin de l’URSS fut l’aboutissement d’un long processus : faute de s’être étendue au reste du monde, la tentative du prolétariat de prendre les rênes de la société, stérilisée par la bureaucratie au pouvoir, avait fini par atteindre ses limites et s’était retrouvée prise dans des contradictions insurmontables.

L’URSS avait vu le jour fin 1922, après la victoire du jeune État ouvrier dans la guerre civile imposée par la bourgeoisie et l’impérialisme. La plupart des entités de l’ex-Russie des tsars formèrent alors une fédération de républiques indépendantes, dotées de droits égaux. Certaines n’y adhérèrent pas, les bolcheviks ayant proclamé le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais l’URSS regroupait plus d’une centaine de peuples. Cet État ouvrier fut le premier État de l’histoire dont le nom ne comportait aucune référence nationale ou géographique. Malgré la dictature stalinienne, il allait incarner longtemps, aux yeux de la classe ouvrière mondiale, l’espoir d’une alternative au système capitaliste.

L’économie planifiée se développa à l’échelle de l’URSS, grâce à l’abolition de la propriété privée des moyens de production, ce qui lui ouvrit des possibilités immenses en dépit de sa coupure du marché mondial. En 1936, dans La Révolution trahie, Trotsky salua les succès de l’économie soviétique, en voie de sortir en partie l’URSS de son arriération économique et sociale, sans cacher pour autant les limites de son développement ni le fait qu’elle n’avait encore rien à voir avec le socialisme, contrairement à ce que prétendait Staline.

Le parasitisme et la dictature de la bureaucratie stalinienne

Cependant, la domination de la bureaucratie se renforça dans les années 1920-1930, au fil des défaites de la révolution à l’étranger. Le stalinisme instaura un régime d’oppression contre les travailleurs et perpétua les inégalités entre les républiques soviétiques. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, il intégra aussi de force plusieurs territoires d’Europe de l’Est et les pays Baltes.

Jusqu’à la mort de Brej­nev en 1982, les différentes couches de la caste dirigeante restèrent cimentées par une nécessaire unité, face aux dangers de contestation à l’intérieur et d’une nouvelle guerre contre l’impérialisme à l’extérieur. La bureaucratie prospérait en parasitant le corps de la société, mais elle devait masquer ses privilèges. Son régime de terreur visait à étouffer toute critique de la part des travailleurs, mais aussi à empêcher que les intérêts et ambitions contradictoires des clans dirigeants et des grands corps de l’État, tels l’armée et le KGB, fragilisent l’édifice du pouvoir.

Des rivalités au sommet du pouvoir à l'éclatement

Dans les années 1980, cette unité de façade finit par voler en éclats sous l’effet de tendances centrifuges, chaque groupe de bureaucrates cherchant à utiliser la moindre parcelle de pouvoir dans son intérêt, pour satisfaire sa soif d’enrichissement. Ce pillage finit par entraîner un ­quasi-blocage de l’économie, amenant le secrétaire général du Parti communiste en 1985, Gorbatchev, à vouloir remettre en marche la machine, ce qu’on appela la perestroïka. Mais la discussion autour des réformes à promouvoir, au lieu de lui en donner les moyens, affaiblit son autorité et ouvrit les vannes d’une surenchère de démagogie qui allait entraîner l’implosion du pays.

Pour contrer ses opposants dans les hautes sphères de la bureaucratie, Gorbatchev chercha des soutiens dans l’opinion. Il se trouva vite dépassé par la démagogie de ceux qui contestaient désormais la tutelle du centre. Les autorités des diverses républiques réclamaient leur indépendance. Une petite bourgeoisie favorable au capitalisme trouva également des porte-parole parmi les très hauts bureaucrates, dont Eltsine, élu président de la république de Russie en mai 1990. Pour affaiblir le pouvoir central, ce dernier encouragea les pouvoir locaux à prendre « autant d’autonomie qu’ils pourraient en avaler ». La classe ouvrière se manifesta aussi, en particulier les mineurs, qui menèrent de grandes grèves. Malheureusement, la seule direction politique qui s’offrit alors à eux fut celle des Eltsine et autres démagogues.

Les républiques baltes et géorgienne se déclarèrent indépendantes dès 1990. Des mois d’affrontements politiques aboutirent, après une tentative de putsch des partisans du maintien de l’URSS, à la démission de Gorbatchev et à la victoire d’Eltsine. Le 8 décembre 1991, ce dernier, entouré de ses homologues ukrainien et biélorusse, signait l’acte de dissolution de l’URSS.

Dislocation de l'ex-URSS: une catastrophe pour les peuples

La ruée des bureaucrates pour s’accaparer les richesses ne connut plus de limites. Ils s’emparèrent des usines, des mines, des moyens de transport, se contentant parfois de les dépecer pour les revendre par morceaux. Les travailleurs découvrirent le chômage, les salaires et retraites impayés durant des mois, une inflation atteignant 2 000 %, les soins et l’éducation désormais payants. Les années 1990 furent celles d’un effondrement économique, social et culturel comme aucun État n’en avait connu en temps de paix, avec le développement des mafias, les affrontements armés entre clans dirigeants, des populations soudain déchirées, des guerres dans le Caucase et en Asie centrale. Les nouveaux riches, les oligarques et leurs parrains au pouvoir pouvaient enfin étaler au grand jour leur fortune, accumulée sur les dépouilles de l’économie soviétique.

Quant à réintégrer l’ex-URSS au sein du système capitaliste, c’était une question plus complexe. Ses républiques s’étaient développées comme des éléments d’un tout organisé à l’échelle de ce presque-continent, se répartissant les productions, fournissant à la population des logements, l’électricité et le chauffage, les transports, l’éducation, même avec les limites imposées par la gestion bureaucratique de la société.

Depuis lors, sur le marché mondial, l’économie des pays de l’ex-URSS est devenue essentiellement une pourvoyeuse de matières premières. Le développement promis lors de la naissance des nouveaux États n’a pas eu lieu. Trente ans plus tard, l’ex-URSS voit se déployer le régime autoritaire de Poutine, celui des oligarques ukrainiens, la dictature du Tchétchène ­Kadyrov, celle du Biélorusse Loukachenko et de leurs semblables. On assiste à la précarité grandissante en Russie, à la pauvreté extrême au Tadjikistan, aux guerres tantôt larvées, tantôt ouvertes entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la Russie et l’Ukraine, etc.

La fin de l’URSS a provoqué un effroyable recul social, politique, humain, parallèle à celui qu’entraîne la crise actuelle du système capitaliste. Face à cette impasse, la perspective communiste qui avait guidé les révolutionnaires de 1917 et conduit à la création de l’URSS, reste la seule valable pour ouvrir un véritable futur à la classe ouvrière et à toute l’humanité.

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