Crise du papier : les trusts imposent leur loi09/11/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/11/2780.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Crise du papier : les trusts imposent leur loi

Comme beaucoup de secteurs de l’économie, celui du papier connaît des pénuries et une hausse brutale des prix. À l’approche des ventes de Noël, les éditeurs de livres craignent de manquer de papier. Les imprimeurs annoncent qu’ils devront s’en remettre aux hasards des livraisons.

Même les producteurs de papier toilette prévoient des retards de livraison. En huit mois, le prix de la pâte à papier a augmenté de presque 50 %. C’est une conséquence de l’augmentation du prix d’autres matières premières, comme le bois, ou de ceux de l’énergie car l’industrie du papier en est grosse consommatrice. Mais c’est aussi le fruit de choix des grands groupes qui dominent le secteur.

Le leader mondial du papier est le groupe américain International Paper, suivi de groupes européens très puissants, comme le finno-suédois Stora Enso ou le finlandais UPM. Tous contribuent depuis des années à l’évolution du marché du papier. D’un côté, le développement du numérique a fait chuter la consommation des papiers, sur lesquels les livres et les journaux sont imprimés. De l’autre, la forte hausse du commerce par internet a accru la demande de carton d’emballage.

La crise sanitaire a accéléré cette évolution. Pendant les premiers confinements, les fermetures des librairies, des kiosques à journaux, des écoles et des universités ont entraîné un effondrement de la demande de papier, alors que les commandes de colis en tout genre sur Internet, chez Amazon ou ses concurrents, ont fait exploser la demande de cartonnages.

Les grands groupes ont donc transformé des lignes de production de papier en lignes de production de carton. Et surtout ils ont fermé des usines de papier. En 2021, le leader européen Stora Enso a annoncé la fermeture de deux usines, une de 670 salariés en Finlande et une autre de 440 salariés en Suède. Ces fermetures s’ajoutent à celles de nombreuses usines ces dernières années. Les autres grands producteurs ont suivi la même politique, visant à la réduction des capacités de production de papier, ce qui a aggravé les pénuries, fait grimper les prix… et permis à ces groupes d’accroître leurs marges. Au point que la Commission européenne, sans doute poussée par des grands groupes de l’édition ou de la presse qui voudraient, eux, faire baisser les tarifs du papier, a dû annoncer qu’elle allait enquêter sur une entente entre les trusts du secteur pour avoir « enfreint les règles antitrust de l’UE, qui interdisent les ententes et les pratiques commerciales restrictives ».

Ce qui se passe dans le secteur du papier n’est qu’un exemple. Les pénuries et les hausses de prix, parties du secteur de l’énergie et du transport maritime, se sont généralisées à de nombreuses branches de l’économie. Ce que la presse a appelé depuis des mois la reprise n’est en fait qu’une situation où la production est de plus en plus désorganisée. La politique des trusts qui dominent des secteurs entiers n’est pas de tenter d’y remettre de l’ordre. Ils en sont incapables, car leur priorité est d’en profiter. Les exproprier, commencer à planifier la production à l’échelle de l’ensemble de l’économie, les trusts eux-mêmes en démontrent la nécessité.

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