Dans le monde

Italie : les agressions fascistes et la façon d’y répondre

Samedi 16 octobre, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Rome derrière le slogan « Fascisme, plus jamais ». L’appel, lancé par la direction du syndicat CGIL, le plus grand syndicat italien, avait suscité l’adhésion des deux autres grandes centrales syndicales et de partis politiques comme le Mouvement 5 étoiles (M5S) ou le Parti démocrate (PD), ainsi que l’appui du gouvernement.

Cette manifestation fait suite à l’attaque menée le samedi précédent contre les locaux de la CGIL par un groupe de manifestants qui s’était détaché du cortège défilant contre le passe sanitaire et la généralisation à tous les travailleurs, à partir du 15 octobre, de l’obligation vaccinale. Emmenés par des militants du groupe néofasciste Forza Nuova, plusieurs dizaines d’entre eux avaient forcé les portes et dévasté les bureaux du siège de la CGIL.

Cette attaque contre un symbole de l’organisation des travailleurs a suscité une colère légitime parmi les militants syndicaux et elle doit évidemment être dénoncée par tous les militants ouvriers. Les motivations de ses meneurs étaient claires : plusieurs dirigeants fascistes de Forza Nuova ont explicitement fait le lien avec les exactions commises un siècle plus tôt, lorsqu’en 1920-1921, les commandos fascistes s’en prenaient systématiquement aux bourses du travail, aux maisons du peuple et aux sections socialistes, communistes ou anarchistes. Quant au porte-parole du mouvement de petits commerçants contre le passe sanitaire et les mesures sanitaires baptisé « Moi je reste ouvert », il a justifié de s’en prendre à la CGIL par la nécessité de se battre pour la « liberté du travail ».

Il est vrai que d’autres manifestants protestant contre l’extension du passe sanitaire à tous les travailleurs ont été entraînés dans cette attaque ou l’ont soutenue aux cris de « Vendus, vendus » à l’encontre de la CGIL.

Parmi ceux-là certains voulaient exprimer leur colère face à une direction syndicale qui apparaît d’autant plus complice du gouvernement qu’elle soutient l’obligation du passe sanitaire sur les lieux de travail, sans même se prononcer contre les sanctions et la privation de salaire qui menacent ceux qui la refusent.

La réponse de la direction de la CGIL à l’agression fasciste n’est pas de nature à dissiper cette confusion qu’elle a contribué à alimenter par sa politique de collaboration de classe. Et elle ne permet pas non plus d’armer ceux des militants ouvriers qui sont conscients du danger représenté par les groupes fascistes et plus généralement par l’extrême droite.

Nos camarades de l’Internazionale (Italie-UCI) l’ont ainsi souligné au lendemain de l’agression : « Quelle a été la réponse des sommets de la CGIL à l’agression fasciste ? Au lieu d’appeler à une grève générale nationale immédiate, ils ont renvoyé toute riposte au samedi suivant, appelant à une grande manifestation unitaire "contre tous les fascismes". La protection et la défense des locaux syndicaux a été réduite à un problème d’ordre public dont l’État devra s’occuper, alors que la visite du chef du gouvernement Draghi au siège dévasté de la CGIL a renforcé (…) la conviction que le syndicat est bien du côté de ces élites bourgeoises, bien rétribuées et bien pensantes, d’où provient le chef du gouvernement. Il n’était pas possible d’envoyer un message plus erroné que celui-ci, un message qui pousse encore plus ces couches sociales dans les bras des groupes d’extrême droite. »

Effectivement, la manifestation du samedi 16 octobre avait tous les attributs de l’unité républicaine, à commencer par le soutien du gouvernement Draghi. Letta, le secrétaire du Parti démocrate de centre gauche (PD) a expliqué qu’il fallait se retrouver « tous ensemble derrière le drapeau tricolore », tandis que Landini, le secrétaire de la CGIL, parlait de la nécessaire opposition à la violence politique et réclamait la dissolution de Forza Nuova, rajoutant du bout des lèvres qu’il fallait aussi « plus de justice sociale dans le pays ».

Les élections municipales, dont le deuxième tour a eu lieu les 17 et 18 octobre dans 65 communes, ont enregistré de forts taux d’abstention dans les quartiers populaires et un certain recul de la droite. Mais si l’exaspération d’une partie des couches populaires et des travailleurs ne s’est pas exprimée sur le plan électoral, elle n’en est pas moins bien réelle, alors que les organisations politiques et syndicales réformistes ne leur offrent aucune perspective. Elles ont méthodiquement remplacé la lutte de classe par le prétendu dialogue social et les valeurs du mouvement ouvrier par de prétendues valeurs de la République. Elles ont contribué à désarmer la classe ouvrière, à lui ôter toute confiance dans la lutte de classe et dans ses propres forces. Et c’est bien sur cette situation que l’extrême droite et les groupes fascistes comptent pour se renforcer.

Au contraire, pour donner une perspective aux millions de travailleurs, de chômeurs, de précaires que l’aggravation de la crise jette dans la misère, le mouvement ouvrier devra renaître autour d’une politique de classe. L’avenir de la société ne peut être dans la politique que Draghi mène au service de la bourgeoisie, mais dépendra de la capacité des travailleurs à renverser le pouvoir de la classe capitaliste.

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