Jean-Pierre Mercier : “Le patronat veut nous ramener des décennies en arrière”13/10/20212021Journal/medias/journalarticle/images/2021/10/_P6_2021_10_09_Meeting_Mutu_JPM_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C42%2C800%2C491_crop_detail.jpg

élection présidentielle 2022

Jean-Pierre Mercier : “Le patronat veut nous ramener des décennies en arrière”

Illustration - Jean-Pierre Mercier :  “Le patronat veut nous ramener des décennies en arrière”

Notre classe sociale est immensément nombreuse. Elle est diverse, elle est riche de tous les talents, de toutes les compétences dont la société a besoin pour fonctionner. Rien qu’à l’usine de PSA à Poissy où je travaille, il y a des dizaines de métiers différents, ouvriers de fabrication, caristes, ouvriers professionnels, électriciens, contrôleurs qualité, maintenanciers, peintres, techniciens, ingénieurs mais aussi comptables, infirmières, femmes de ménage, cuisiniers, pompiers…

Ça en dit long sur la capacité des travailleurs à faire tourner une entreprise aussi grande, aussi complexe qu’une usine automobile. Et si les travailleurs pouvaient consacrer ne serait que 10 % de cette compétence à construire leur propre organisation, le rapport de force avec le patronat leur serait bien plus favorable. Et, surtout, s’ils étaient organisés, ils pourraient peser sur la vie politique du pays pour faire prévaloir leurs intérêts.

Mais dans cette entreprise comme dans toutes les autres, le patron, comme tous les patrons, essaye de transformer cette diversité en division, en oppositions. Il joue pour cela sur le fait que certains sont en CDI, d’autres en contrat pro, en intérim. Si la majorité d’entre nous est encore sous contrat PSA, d’autres, de plus en plus nombreux, travaillent pour des sous-traitants et sont même intérimaires pour ces sous-traitants.

Mais, quel que soit leur statut, leur contrat, tous connaissent la même exploitation. Beaucoup y ont laissé une partie de leur santé. Tous usent leurs muscles et leurs articulations de la même façon, et les maladies musculosquelettiques, les tendinites, quand elles vous frappent, elles ne vous demandent pas si vous êtes en CDI ou en intérim. Pas plus qu’elles ne vous demandent si vous êtes un homme, une femme, d’origine française, africaine, asiatique ou maghrébine ! […]

La pénurie mondiale des semi-conducteurs, les fameuses puces électroniques, c’est l’occasion pour le patronat, non seulement de licencier à tour de bras les intérimaires, mais aussi de faire des coupes franches sur nos salaires en nous imposant des semaines entières de chômage indemnisées seulement à 84 % ou à 72 % selon les entreprises. Cela veut dire des centaines d’euros en moins sur des salaires qui sont déjà trop bas pour vivre correctement pour des embauchés. Alors imaginez pour un jeune contrat pro qui voit sa paye passer en dessous des 1 000 euros ! Tout ça parce que les grands groupes automobiles refusent de compléter les salaires à 100 %, alors qu’ils viennent d’annoncer des milliards d’euros de profits pour les premiers mois de l’année.

Depuis des mois dans les usines automobiles, c’est l’alternance entre des semaines de chômage avec des payes amputées, et quand la production repart, des heures supplémentaires en pagaille pour rattraper le retard avec des semaines de six jours de travail d’affilée qui deviennent inhumaines tant les cadences et le sous-effectif ont explosé.

Eh bien, il faut imposer aux patrons de garder tous les intérimaires, il faut imposer la répartition du travail entre tous, sans baisser les salaires, imposer que la production se fasse sur la semaine en baissant les cadences pour éviter les pertes financières du chômage et comme ça on sortira de la journée de travail en étant un peu moins sur les rotules ! Ça changera pour une fois !

La crise des semi-conducteurs est devenue la tarte à la crème pour habiller les licenciements et même maintenant pour justifier les fermetures d’usine. PSA vient d’annoncer la fermeture jusqu’en février 2022 de l’usine Opel de Eisenach, en Allemagne. Mais d’une fermeture provisoire, elle pourrait bien se transformer en fermeture définitive. 2 000 travailleurs sont menacés dans une ville de 43 000 habitants. Toute la production de cette usine est délocalisée en France, à l’usine de Sochaux... sans une seule embauche à la clef, pas un seul intérimaire repris, mais par contre une avalanche d’heures supplémentaires et le travail obligatoire des jours fériés ! […]

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