20 ans après : loin de combattre le terrorisme, l’impérialisme l’a nourri15/09/20212021Journal/medias/journalarticle/images/2021/09/_P10-1Afghanistan_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C74%2C800%2C525_crop_detail.jpg

Dans le monde

20 ans après : loin de combattre le terrorisme, l’impérialisme l’a nourri

Le vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 a été commémoré aux États-Unis. Dans le reste du monde occidental, les médias ont aussi largement évoqué ces événements, présentés comme un tournant dans l’histoire mondiale. Mais qu’ont-ils vraiment changé, sinon le fait que depuis vingt ans, ils ont permis à l’impérialisme américain de présenter ses interventions comme participant de la « guerre contre le terrorisme » ?

Illustration - loin de combattre le terrorisme,  l’impérialisme l’a nourri

En effet, l’administration de George W. Bush sut utiliser sans tarder le bilan effroyable des attentats, près de 3 000 morts et 7 000 blessés, et l’immense émotion causée dans la population américaine. Le jour même, Bush et le gouvernement, suivis par le patronat, les élus, républicains comme démocrates, les médias et des dirigeants syndicaux, appelèrent à l’union sacrée et à serrer les rangs derrière eux dans la « guerre contre le terrorisme ».

Le pouvoir joua sur la peur, entretenue par une rhétorique guerrière et par l’annonce de nouveaux attentats déjoués ou du démantèlement de cellules terroristes. Une propagande chauvine, haineuse, enjoignait non seulement chacun d’arborer le drapeau national sur sa voiture ou sa maison, mais encore de se méfier des étrangers, à commencer par ceux venant du Moyen-Orient.

Le gouvernement, profitant de l’unité nationale ainsi instaurée, fit adopter par le Congrès un projet de loi vraisemblablement préparé depuis longtemps, le USA Patriot Act qui, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, renforçait les pouvoirs de surveillance et de répression de la police. Ajoutée à une multitude de décrets, lois et autres textes parus dans la foulée, cette législation permit de légaliser des pratiques officiellement proscrites depuis le mouvement des droits civiques, la révolte noire et l’opposition à la guerre du Vietnam. Elle permettait l’emprisonnement, sans inculpation et pour une durée indéterminée, de tout étranger dont l’État estimait qu’il représentait une menace. Elle permettait aux policiers d’écouter les conversations téléphoniques, de lire le courrier électronique sans l’autorisation d’un juge, de fouiller la maison, le lieu de travail de quelqu’un, sans même être obligé de le prévenir et sans qu’il soit présent, et d’avoir accès à ses dossiers médicaux, scolaires, universitaires ou à ses données bancaires. Cette législation donnait aussi des pouvoirs élargis à la CIA, lui permettant de placer sous surveillance des citoyens américains, même sur le territoire national. Le gouvernement mit en place des tribunaux militaires pour des milliers d’étrangers. Cela allait signifier la prison sans jugement et la torture lors des interrogatoires.

Cette atmosphère guerrière servit également au patronat pour imposer de nouveaux sacrifices au monde du travail. Le gouvernement augmenta le budget militaire, versant des milliards à des entreprises liées au secteur de l’armement. Il opéra des coupes claires dans les programmes sociaux et les services publics, aggravant d’autant les conditions de vie des classes populaires. La bourgeoisie américaine profita à plein de la situation.

Bush appela à riposter aux attaques, rapidement attribuées au groupe islamiste al-Qaida et à son dirigeant, le saoudien Oussama Ben Laden. Ce militant d’une idéologie réactionnaire, qui avait guerroyé pour le compte des États-Unis contre les troupes soviétiques en Afghanistan dans les années 1980, s’était ainsi retourné contre eux.

Bush déclara la guerre à l’État afghan, accusé de le cacher. Qu’importe si la population afghane n’avait aucun lien avec les attentats ni avec Ben Laden et ses sbires. Elle subissait alors la dictature féroce des talibans, des milices islamistes auparavant soutenues par les États-Unis, que leur violence et l’oppression moyenâgeuse qu’ils imposaient, particulièrement aux femmes, n’avaient jusque-là jamais dérangés. Une coalition internationale, comprenant notamment la France et dirigée par les États-Unis bombarda donc l’Afghanistan et aida les fractions armées opposées aux talibans. En cinq semaines, leur régime s’écroula, laissant place à une guerre civile et à une intervention américaine interminables.

Ce n’était pourtant qu’un début. Sur sa lancée, le gouvernement américain décida d’en finir avec le régime de Saddam Hussein en Irak et de mettre la main sur les ressources pétrolières du pays. Depuis 1991 et la première guerre du Golfe, l’Irak était pourtant à genoux, les États-Unis lui imposant un embargo ponctué de bombardements réguliers. Bush et ses ministres inventèrent la fable des « armes de destruction massive » qui, détenues par l’Irak, menaçaient les États-Unis et accusèrent de surcroît, Saddam Hussein d’être lié à Ben Laden. En mars 2003, l’armée américaine envahit l’Irak et détruisit son appareil d’État, avant de s’embourber là encore dans une guerre sans fin, tandis que les affrontements entre milices religieuses dévastaient le pays et que la population connaissait un recul sans précédent de ses conditions de vie.

La « guerre contre le terrorisme » des États-Unis coûta finalement la vie à bien plus d’Américains que les attentats du 11 septembre, et causa des morts innombrables parmi les peuples du Moyen-Orient, sans pour autant faire reculer le terrorisme djihadiste, bien au contraire. Vingt ans après leur défaite, les talibans sont de nouveau au pouvoir en Afghanistan. Si les États-Unis ont tué Ben Laden après dix ans de traque, l’État islamique a émergé du chaos qu’ils ont créé en Irak. En fait, les organisations djihadistes n’ont jamais été aussi nombreuses qu’aujourd’hui, tant le terrorisme d’État des grandes puissances facilite le recrutement des forces, même les plus réactionnaires, qui semblent s’opposer à lui.

Si, après l’Irak hier, les troupes américaines ont désormais quitté l’Afghanistan, elles laissent derrière elles un champ de ruines. Elles n’ont pas vaincu en quoi que ce soit le « terrorisme », elles l’ont alimenté. Des milliers de milliards ont été dépensés, qui ont enrichi avant tout les trusts américains de l’armement. Le principal objectif n’était-il pas de démontrer la puissance meurtrière de l’impérialisme et sa capacité à écraser sous les bombes quiconque conteste sa domination ?

L’impérialisme américain a déclaré la guerre au terrorisme, mais c’est aux peuples qu’il l’a faite.

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