Leur société

Procès des terroristes : la question qui ne sera pas posée

Le ministre de la Justice, ses collègues et ses prédécesseurs ainsi que tous les médias annoncent que justice va être rendue aux victimes, 130 assassinés et 350 blessés, des attentats du 13 novembre 2015, dont le procès s’est ouvert le 8 septembre.

Les magistrats vont à cet effet entendre d’innombrables témoins, depuis les survivants jusqu’à Hollande et Cazeneuve, respectivement président et ministre de l’Intérieur au moment des faits. Ils vont peser les déclarations des accusés et de leurs avocats pour savoir qui a fait quoi exactement et peut-être obtiendront-ils une vérité. Des spécialistes de ci et de ça viendront à la barre, des arguties juridiques seront échangées, des plaidoiries moralisatrices ou vengeresses seront prononcées. La cour s’interrogera sur le travail de la police belge, sur le temps de réaction de la police française, on fera parler l’ADN et les téléphones. Et, le 25 mai 2022 au plus tôt, un verdict sera rendu. Alors, d’après les tenants de l’ordre établi, ministres, juges et commentateurs, le droit passera, le terrorisme sera condamné, la justice et la démocratie triompheront.

La vraie question n’aura pourtant pas été posée car il ne suffit pas d’établir les faits et gestes des terroristes au moment du drame. Encore faudrait-il se demander comment et pourquoi ils sont devenus les soldats d’une guerre qu’ils n’ont pas inventée. Les attentats de Paris, comme ceux de New York ou de Londres, sont en effet les sous-produits de la guerre de domination menée par les pays impérialistes au Moyen-Orient, pour des raisons de stratégie ou de pétrole.

Les peuples de cette région subissent depuis des décennies la violence sous toutes ses formes : bombardements et occupation militaire, terrorisme d’État et attentats suicides, dictatures religieuses et dictatures laïques, misère économique et camps de déplacés, talon de fer sur les pauvres, les femmes, les enfants. Les puissances impérialistes y ont systématiquement conforté les tendances les plus réactionnaires, y compris les intégristes musulmans. La monarchie saoudienne, par exemple, créature des pétroliers américains et leur meilleur allié, est un bastion de l’islamisme et subventionne nombre des groupes qui s’en réclament. Les services secrets américains, français et autres ont guidé les premiers pas de bien des terroristes, de Ben Laden à Daesh en passant par les talibans qui viennent de reprendre le pouvoir en Afghanistan. Les chiens de guerre ont fini par mordre la main qui les avait nourris. Ils ont même recruté jusque dans les pays occidentaux en s’appuyant sur la révolte suscitée par la situation des populations au Moyen Orient et sur le recul de la conscience de classe au profit des idées réactionnaires.

Lors du procès comme en 2015, l’État et ses serviteurs politiques ou médiatiques utiliseront la tragédie pour susciter l’unité nationale. Ils en profiteront même sans vergogne pour alimenter leur campagne permanente de division entre les travailleurs musulmans ou réputés tels et les autres. Ainsi la télévision et les ministres racontent déjà jour et nuit qu’il y aurait d’un côté les Français, démocrates et épris de liberté, et de l’autre des terroristes sortis d’on ne sait où et rêvant d’empêcher le monde civilisé de boire l’apéritif en terrasse.

Mais ces terroristes sont leurs créatures, directes ou indirectes, des tueurs à l’image de la société capitaliste, de son injustice, de ses guerres, de l’oppression multiforme qu’elle engendre. On ne pourra rendre justice, pour autant que cela ait un sens, aux victimes des attentats sans affirmer cette vérité.

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