Dans le monde

États-Unis : misère et aides alimentaires

L’administration Biden vient d’annoncer une augmentation de 25 % du montant de l’aide en bons alimentaires – les food stamps – que peut toucher la population la plus pauvre. Près de 42 millions de personnes, dont près d’un cinquième des enfants du pays, survivent grâce à ces aides.

Ce programme fédéral de bons alimentaires a été généralisé en 1964, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté que l’État américain a été contraint d’entamer, dans l’espoir d’éteindre la révolte qui éclatait dans les ghettos noirs des grandes villes. Il a été ensuite étendu à tout le pays en 1974, pour atténuer les premiers effets de la crise économique générale du capitalisme.

Ces bons alimentaires sont notoirement insuffisants : les trois quarts des bénéficiaires dépensent leur allocation mensuelle, qui ne permet que d’acheter de la nourriture, au cours de la première quinzaine du mois. Ensuite, ils dépendent de la charité et des banques alimentaires qui peuvent exister localement.

Avant la pandémie, le montant moyen des bons alimentaires pour un repas était de 1,97 dollar, alors que le coût de ce repas était estimé à 2,41 dollars. Au printemps 2020, lorsque le chômage a grimpé en flèche, le gouvernement républicain de Trump avait augmenté provisoirement le montant des bons. Puis en décembre, au moment de la transition entre Trump et Biden, l’augmentation avait été fixée à 15 %, toujours provisoirement. Au 1er octobre, une augmentation de 25 % par rapport à 2019 deviendra pérenne.

Selon le démocrate Tom Vilsack, secrétaire d’État à l’Agriculture, qui gère ce programme, il ne s’agit pas tant de générosité vis-à-vis de la partie la plus pauvre de la classe ouvrière que de « stabiliser la démocratie ». Il ajoute que, « si 42 millions d’Américains avaient faim, vraiment faim, ils ne seraient pas heureux et il y aurait de l’instabilité politique ».

La précédente crise économique aiguë, celle dite des « subprimes » en 2008-2009, avait eu comme effet d’augmenter considérablement le nombre de pauvres ayant droit aux aides, qui était passé de 26 millions en 2007 à 47 millions en 2013. Il s’est ensuite stabilisé à 42 millions, le double de ce qu’il était vingt ans auparavant.

En réalité, bien plus de personnes ont du mal à s’alimenter. Depuis des années, on ne peut s’inscrire que sur Internet pour espérer avoir des bons alimentaires, ce qui écarte tous ceux qui n’ont pas d’ordinateur ou n’arrivent pas à déposer un dossier complet sans aide.

La pauvreté, qui est ainsi cachée au sein de chaque foyer, a soudainement été visible début août dans une zone de l’État du Michigan touchée par des inondations catastrophiques fin juin. Une aide alimentaire d’urgence a été débloquée pour ceux qui n’avaient jusqu’ici pas accès aux bons, à condition qu’ils se présentent en personne à un guichet. D’un seul coup, des files immenses se sont constituées dans les rues, rappelant les images des soupes populaires de la grande crise des années 1930. Il a fallu que les guichets ouvrent deux jours supplémentaires pour que 87 000 personnes dans le besoin puissent bénéficier de bons alimentaires.

Les discours satisfaits des autorités sur la reprise économique n’ont que peu de rapport avec la lutte quotidienne des familles populaires pour se nourrir, dans le pays le plus riche du monde.

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