Antilles : une catastrophe prévisible25/08/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/08/2769.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Antilles : une catastrophe prévisible

Toute la presse le souligne, ainsi que plusieurs médecins des Antilles et ceux venus en renfort : la catastrophe sanitaire est bien réelle en Martinique et en Guadeloupe. L’épidémie de Covid y fait des ravages.

Beaucoup de soignants arrivés récemment déclarent n’avoir jamais vu ça dans l’Hexagone, même au plus fort de l’épidémie. Le nombre de décès augmente en flèche dans les hôpitaux mais aussi à domicile, où sont renvoyés beaucoup de malades, car il y a un manque d’oxygène de ville (les concentrateurs). La morgue du CHU de Pointe-à-Pitre déborde. Un conteneur et d’autres salles sont aménagés pour y entreposer les cadavres. Les pompes funèbres sont débordées.

Les malades s’entassent dans les couloirs, aux Urgences des CHU. En l’état, les médecins sont contraints de pratiquer une médecine de catastrophe, de guerre, à savoir trier les malades entre ceux qui auraient le plus de chances de survie en réanimation et les autres. Cela signifie une cruelle perte de chances pour des dizaines de malades qui auraient pu être sauvés.

Le manque de lits et de personnel adéquat en réanimation est la cause immédiate de cette catastrophe. Mais il y a toute une série de causes plus anciennes, comme le manque chronique de matériel et de personnel, particulièrement de personnel de réanimation formé. Lorsque, même en période calme, on constatait par exemple le manque d’un médicament aussi élémentaire que la bétadine, pour ne citer que cela, on mesure bien l’ampleur du désastre sanitaire qui est permanent.

Cette catastrophe était donc prévisible, et même annoncée par de nombreux soignants, par les militants du mouvement ouvrier. Voilà des années que le personnel et les militants syndicaux dénoncent avec force l’état de délabrement des hôpitaux publics. Il est manifeste aujourd’hui que, même par rapport à la situation critique de bien des hôpitaux de l’Hexagone, la situation de ceux des Antilles est bien plus grave. D’une manière générale, les travailleurs et les couches populaires des Antilles connaissent les mêmes problèmes que ceux de l’Hexagone, mais en plus grave, et dans tous les domaines. Cette situation est héritée du colonialisme.

Il est bien trop facile de mettre la catastrophe sur le dos de la population défiante à l’égard de la vaccination. Même si cela s’améliore depuis quelques jours face à l’hécatombe, il est vrai que 80 % de la population refusait jusqu’ici la vaccination, à tort bien sûr.

Cette défiance contre la vaccination vient d’une méfiance permanente de la politique imposée par Paris. Elle augmente singulièrement parmi les plus pauvres, travailleurs, chômeurs, précaires. L’empoisonnement général des terres, de l’eau, de la population par le chlordécone, le déficit d’eau courante entre autres, en sont des causes importantes. De plus, si la catastrophe sanitaire actuelle éclate aux yeux de tous, une catastrophe rampante existe face aux comorbidités qui frappent depuis toujours la population antillaise. Elle est atteinte dans une proportion bien plus importante que dans l’Hexagone de maladies endémiques telles que le diabète, l’hypertension, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, les cancers, dont ceux de la prostate, etc. 11 % de la population est victime du diabète contre 4,6 % dans l’hexagone. Ces maladies-là n’ont jamais été traitées. Elles sont aujourd’hui une des causes de la surmortalité à partir de la contamination au Covid.

Les pouvoirs publics savaient au moins depuis six mois que la population était réticente à la vaccination. Il n’y a pas eu plus d’embauches dans les hôpitaux, plus de matériels, plus de stocks d’oxygène en amont. Et même aujourd’hui, pendant ladite « médecine de guerre » pratiquée, il n’y a toujours pas suffisamment de stocks de médicaments ou d’oxygène vital, pas d’organisation des Urgences où ceux qui arrivent contaminent ceux qui ne le sont pas encore, etc. Quelques avions évacuent quelques malades vers l’Hexagone. Mais pourquoi ne pas prévoir un pont aérien permanent et efficace, une noria pour acheminer matériels et personnels, non pas au compte-gouttes mais en grand nombre et quotidiennement ?

Cette anarchie n’est pas fortuite. Elle sort du cerveau orienté de ceux qui dirigent la société, orientée vers la satisfaction des besoins de la classe dirigeante aveugle à tout ce qui peut soulager les souffrances de la population. Et c’est vrai même quand il s’agit d’une question de vie ou de mort, on le voit aujourd’hui.

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