Iran : les précaires du pétrole en grève21/07/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/07/2764.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Iran : les précaires du pétrole en grève

Depuis le 19 juin, des milliers de travailleurs des entreprises sous-traitantes du secteur pétrolier sont en grève. Ils réclament des augmentations de salaires, la fin de la sous-traitance qui les maintient dans la précarité et le droit de s’organiser librement.

Les travailleurs de l’industrie pétrolière et chimique sont une force, par leur nombre dans un secteur qui fournit la principale ressource économique du pays, leur concentration et leurs traditions de lutte. En août 2020, sur le gisement de South Pars, plusieurs milliers d’entre eux avaient fait grève et arraché des augmentations de salaires.

Depuis des années, pour arroser des proches du pouvoir, pour dégrader les conditions de travail et baisser les salaires, le régime a multiplié les privatisations d’entreprises publiques et le recours à la sous-traitance. Pour construire et entretenir les installations, les compagnies embauchent des précaires, en passant par des sociétés privées intermédiaires. Ces travailleurs gagnent 30 à 40 % de moins que les permanents, ne sont pas soumis aux mêmes normes de sécurité et n’ont pas le même accès aux soins médicaux. Ils sont logés dans des dortoirs mal isolés alors que la température peut atteindre 50°C. Ils doivent se battre pour disposer des dix jours de repos obligatoires après vingt jours de travail, selon le cycle en vigueur sur les installations pétrolières. Comme tous les travailleurs du pays, ils subissent de plein fouet l’inflation massive, plus de 50 %, provoquée par l’embargo américain, ainsi que les retards systématiques du versement de leurs salaires.

Ces travailleurs se sont mis en grève pour obtenir l’alignement de leurs salaires et de leurs droits sur ceux des permanents. Les syndicats indépendants étant interdits, un comité des travailleurs de la sous-traitance du secteur pétrolier organise la grève qui touche 70 sites et 10 000 ouvriers. Comme l’indique un de ses communiqués « les vis sont serrées par nos mains et les tuyaux sont soudés avec notre sueur. Aucun projet ne peut se poursuivre sans que nous assemblions, soudions ou échafaudions. Restez chez vous et voyons si l’échafaudage se dresse tout seul ! » Le travail ne se faisant pas sans eux, la grève porte et gêne le régime des ayatollahs. Plusieurs centaines de licenciements dans la raffinerie de Téhéran n’ayant pas suffi à intimider les grévistes, le président Rohani, en poste pour quelques semaines encore, a dû promettre d’améliorer les conditions de travail tout en affirmant que la question des salaires n’était pas de son ressort. L’un de ses concurrents, l’ancien président Ahmadinejad, qui réprima la révolte de 2009, empêché de se présenter aux dernières élections, se pose aujourd’hui en défenseur des grévistes. En connaisseur, il affirme « qu’avec les énormes ressources dont dispose le ministère du Pétrole, il n’est pas difficile de répondre à ces demandes ».

Les grévistes ne peuvent évidemment pas compter sur un tel faux allié mais sur leur détermination et leur capacité à entraîner d’autres travailleurs du pays, à commencer par les titulaires du secteur pétrolier qui commencent à les rejoindre.

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