Dans le monde

Luxembourg : rien ne change au paradis des profits

Une enquête baptisée « LuxLetters » révèle que le gouvernement luxembourgeois continue d’offrir des taux d’imposition proches de zéro aux multinationales, tout en se conformant aux règles internationales sur l’évasion fiscale. Ce qui en dit long sur leur efficacité.

En 2015, suite au scandale dit des « LuxLeaks », le Grand-Duché, ratifiait une directive internationale sur la fiscalité des entreprises. Elle impliquait la publication de tous les accords fiscaux ultra-avantageux qui ont depuis des décennies poussé des milliers de multinationales à s’installer dans le petit pays. Son gouvernement annonçait la fin progressive de ces pratiques et, à grand renfort de communiqués, la fin du statut de paradis fiscal. La messe était dite.

Seulement, il y a quelques mois, une autre enquête, « OpenLux », montrait que pas grand-chose n’avait changé. Ce pays de 600 000 habitants abrite toujours 140 000 entreprises. La moitié sont des sociétés fantômes, sans activité ni salarié, mais concentrant un montant d’actifs équivalent à cent fois le PIB du Grand-Duché.

« OpenLux » révélait certains des montages fiscaux offerts par la loi luxembourgeoise. L’enquête « LuxLetters », publiée ce 1er juillet par des journalistes de plusieurs médias européens, vient d’en révéler un autre. Puisque la directive de 2015 impose de publier tous les accords fiscaux tamponnés par l’administration luxembourgeoise, il suffit de jeter le tampon. Concrètement, une multinationale qui souhaite un traitement fiscal à son goût rédige une simple lettre au fisc, où elle précise ce traitement, probablement après une rencontre ou un coup de fil. Le fisc ne signe rien, range la lettre dans le dossier de l’entreprise, et applique les taux voulus.

La ficelle est un peu grosse ? Ce serait oublier qu’elle l’était déjà avant. Depuis des décennies, la bourgeoisie de tous les pays et ses gouvernements se satisfont parfaitement de l’existence de ce paradis fiscal au cœur de l’Europe. Loin d’être une aberration, il constitue un rouage essentiel du système financier mondial. Le ministre des Finances luxembourgeois s’est d’ailleurs justifié récemment, sur un ton énervé : « L’Allemagne vend des voitures. Eh bien nous, nous vendons des services financiers. »

Le Luxembourg figure bien entendu parmi les 130 pays signataires de l’accord sur la taxation minimum de 15 % des multinationales et son taux d’impôt sur les sociétés est d’ailleurs à 17 %. Mais la façade n’a pas grande importance, tant les vraies affaires se traitent dans l’arrière-boutique.

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