Dans le monde

Chine : du parti des révolutionnaires à celui des milliardaires

Depuis le 28 juin, le régime chinois fête le centenaire du parti au pouvoir, le Parti Communiste Chinois (PCC). Comment une dictature de milliardaires exploitant férocement la plus nombreuse classe ouvrière du monde peut-elle s’intituler communiste ?

Le PCC fut fondé en 1920 par une poignée d’intellectuels gagnés aux idéaux de la Révolution russe, c’est-à-dire à l’idée que le système capitaliste avait fait son temps et que la classe ouvrière devait se battre pour le pouvoir, y compris dans un pays économiquement arriéré comme la Russie ou la Chine de l’époque.

Cette première période du PCC s’acheva en 1927 par une terrible défaite. Des milliers d’ouvriers révolutionnaires et de militants communistes furent massacrés par les nationalistes de Chiang Kai-Shek, alors même que la direction du parti, obéissant aux consignes de l’Internationale stalinienne, leur avait demandé de soutenir ce général nationaliste. Le parti, ou plutôt les survivants, se coupa alors en deux. Une minorité suivit le dirigeant historique Chen Duxiu, rallié aux thèses de Trotsky, et tenta de continuer à militer coûte que coûte dans la classe ouvrière et donc dans les villes. Beaucoup périrent sous les coups de la répression nationaliste. Une autre partie, d’où émergea bientôt un certain Mao Zedong, se replia dans les campagnes pour tenter de constituer une armée révolutionnaire de paysans.

Il fallut 22 ans à Mao pour prendre les villes et donc le pouvoir. Pour mouvementées que furent ces 22 années, pleines de péripéties et de retournements politiques, il y eut tout de même une constante : jamais la classe ouvrière n’intervint, jamais plus le PCC dirigé par Mao ne tenta de l’organiser, de s’appuyer sur elle pour aller vers la révolution sociale. C’est-à-dire que sous Mao, le PCC ne se comporta jamais en parti communiste. En allant à la campagne, en rompant avec les villes et donc avec la classe ouvrière, le PCC se transforma en parti nationaliste. Concurrent de celui de Chiang, offrant un visage d’honnêteté face à un pouvoir corrompu et vermoulu, au fond il n’en défendait pas moins le même ordre social bourgeois.

En 1949, Mao entra dans les villes à la tête d’armées venues des campagnes, sans qu’il y ait une quelconque mobilisation prolétarienne. Le fait que le nouveau régime se tourna provisoirement vers l’URSS dut beaucoup plus à l’attitude des États-Unis qu’à la volonté des nouveaux dirigeants. En 1972, Mao se réconcilia officiellement avec Nixon, le président américain. Dès lors, la Chine s’ouvrit prudemment, puis rapidement, aux capitaux des pays impérialistes et finit par détenir une part considérable de la production et des marchés mondiaux, permettant la naissance d’une pléiade de milliardaires et d’une multitude d’exploiteurs.

Les circonstances historiques, principalement le retard de la révolution mondiale dû à la contre-révolution stalinienne, firent que la bourgeoisie chinoise a grandi sous l’aile d’un État estampillé communiste et pas sous celle d’un Louis XIV ou d’un Cromwell. L’immensité du pays et de ses ressources, une fois débarrassé de ses structures médiévales, les énormes moyens de l’État né de la révolution paysanne, le jeu de balance entre l’URSS des bureaucrates et l’impérialisme, lui donnèrent la possibilité de s’affirmer. Elle partage toutefois avec ses devancières occidentales l’honneur d’avoir elle-même donné naissance à ses fossoyeurs, les centaines de millions de prolétaires chinois, la plus grande armée de la classe ouvrière mondiale.

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