Chine : incident nucléaire et opacité16/06/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/06/2759.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chine : incident nucléaire et opacité

Une fuite radioactive d’un des réacteurs de la centrale nucléaire chinoise de Taishan a été révélée au public. Ce n’est pas l’exploitant, EDF, ni les autorités chinoises qui ont fait part du dysfonctionnement, mais la chaîne d’information américaine CNN.

Peut-être ne s’agit-il que d’un incident rare et maîtrisé comme le dit la version officielle. En réalité tout est opaque, car les enjeux financiers et politiques sont considérables. Pour EDF, c’est sa crédibilité en tant que concepteur des centrales de type EPR qui est en jeu. Depuis près de trente ans elle vante la nouvelle technologie de ces réacteurs EPR (acronyme anglais pour réacteur pressurisé européen) et cherche à en vendre partout dans le monde. Mais les EPR vont de déboire en déboire. À Flamanville, dans la Manche, la mise en fonctionnement du réacteur français, prévue initialement en 2012, a dû être repoussée à 2023. L’autre projet en cours, en Finlande, n’est pas beaucoup plus avancé et ne devrait entrer en fonctionnement qu’en 2022.

Dans le monde, il n’y a qu’à Taishan, dans le sud de la Chine, que deux réacteurs EPR sont effectivement en fonctionnement depuis fin 2018 et fin 2019. On comprend alors pourquoi la direction d’EDF est très sensible à ce qui touche le fonctionnement de cette centrale.

Quant au gouvernement chinois, il a un besoin vital de l’électricité fournie par les réacteurs de Taishan, qui sont capables d’alimenter une ville de 5 millions d’habitants. D’autant plus que dans cette région qui est le centre industriel du pays, la reprise économique a entraîné une pénurie. Plus de vingt villes ont dû rationner l’électricité à certaines usines. La mise à l’arrêt d’un des deux réacteurs de Taishan aggraverait encore cette pénurie. Depuis que des concentrations radioactives supérieures aux seuils acceptables ont été détectées à Taishan, le gouvernement chinois, avec la complicité d’EDF, a choisi… de relever les seuils acceptables.

L’autre révélation importante est que la fuite existe depuis des mois. EDF en aurait été informée dès octobre 2020. Ce serait le combustible qu’elle a fourni qui serait défectueux. La presse française a révélé que, dans les coulisses d’EDF, « tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait arrêter le réacteur par précaution, afin de faire la lumière sur les causes de cet événement ». Mais, outre le problème de pénurie d’électricité en Chine, cela signifierait, pour EDF, avouer qu’il y a une défaillance sur un de ses EPR après seulement quelques années de fonctionnement.

La technologie EPR n’est apparemment pas au point, c’est une évidence. Cependant, le véritable danger vient d’ailleurs. On entend dire que, depuis les accidents de Tchernobyl en Ukraine en 1986 et de Fukushima au Japon en 2011, les normes de sécurité ont été relevées et qu’elles garantissent que de tels accidents ne puissent plus se reproduire. Malgré cela, sous la pression des intérêts économiques, les entreprises privées ou publiques, comme EDF, et les États se montrent capables de piétiner les normes et les mesures de sécurité qu’ils ont eux-mêmes établies. C’est exactement ce qu’EDF et le gouvernement chinois sont en train de faire. Aucun nouvel accident grave n’est arrivé… pour l’instant.

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