Plastics Vallée : les tueurs du patronat09/06/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/06/2758.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Plastics Vallée : les tueurs du patronat

La patronne d’Apnyl, une usine d’Izernore, petite ville située près d’Oyonnax, dans l’Ain, a été incarcérée fin mai à Paris. Elle a reconnu avoir commandité le meurtre d’un militant de la CGT auprès d’une officine de barbouzes, heureusement démantelée par la police avant qu’elle ait pu passer aux actes.

Cette entreprise, qui fabrique des pièces en plastique assez complexes sur des presses à injecter puis réalise leur usinage, ressemble à bien des usines de la vallée d’Oyonnax, dite Plastics Vallée : une centaine de salariés, des ateliers modernes dans une zone industrielle aménagée aux frais de la collectivité, des patrons paternalistes soutenus par les élus locaux.

Laurent Wauquiez, en campagne pour les régionales, et Damien Abad, député LR de l’Ain, s’étaient d’ailleurs fait photographier avec la patronne d’Apnyl en 2015, pas gênés par les conditions de travail dans ces usines du plastique qui sont tout sauf modernes. Les ouvriers, souvent intérimaires, souvent des femmes, qui conduisent les presses à injecter, doivent parfois s’occuper de neuf ou dix machines en même temps. Les heures supplémentaires alternent avec les périodes de chômage partiel tandis que les horaires en équipes s’ajoutent aux cadences pour détruire la santé des ouvriers. À Oyonnax comme dans bien d’autres endroits, les patrons ne tolèrent pas que les travailleurs cherchent à s’organiser. Ils n’hésitent pas à intimider ou à licencier ceux qui relèvent la tête, réclament la simple application du Code du travail ou envisagent de créer un syndicat. Ils tiennent des listes noires d’ouvriers combatifs, qui ne retrouvent plus d’emploi.

Pour se débarrasser d’un ouvrier adhérent de la CGT et engagé dans le mouvement des gilets jaunes, la patronne d’Apnyl est allée encore bien plus loin. Selon ses aveux, elle a accepté la proposition d’une officine de sécurité : pour la somme de 80 000 euros, ces anciens de la DGSE, liés à une loge maçonnique, s’apprêtaient à assassiner ce travailleur.

Cette affaire choque évidemment les militants de la CGT du département, partagés entre crainte et colère. Le meurtre ou le passage à tabac de militants ouvriers, autrefois pratiqués par le patronat, ne sont heureusement plus dans les mœurs – du moins jusqu’à présent – et cette patronne, placée en détention, sera jugée. Mais le fait qu’elle ait pu préparer ce crime en dit long sur l’état d’esprit de certains milieux patronaux. Le fait qu’elle ait pu trouver des hommes de main prêts à passer aux actes, comme par hasard d’anciens policiers, en dit long aussi sur la mentalité de nombre d’entre eux.

Ce fait démontre aussi autre chose : l’organisation des travailleurs continue de faire peur à bien des patrons, conscients, à leur façon, que l’exploitation peut vite déboucher sur la révolte. Et en effet cette exploitation est inacceptable et ne repose que sur la contrainte, appuyée par des moyens inavouables.

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