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Burkina Faso : l’armée française n’est pas là pour éviter les massacres

Dans la nuit du 4 au 5 juin a eu lieu la pire tuerie jamais perpétrée par un groupe djihadiste au Burkina Faso. 160 personnes, hommes, femmes, enfants, ont été froidement assassinées dans le village de Solhan, dans cette région des trois frontières où la force française Barkhane prétend avoir concentré ses interventions pour anéantir les djihadistes.

Ceux-ci ont d’abord visé le campement des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ces supplétifs recrutés parmi les habitants et censés défendre leur village. Ils ont ensuite massacré tous ceux qui leur tombaient sous la main, villageois et travailleurs du site d’orpaillage voisin. Terrorisés, les survivants se sont enfuis dans la ville voisine de Sebba, à une quinzaine de kilomètres, venant ainsi grossir le flot des 1,2 million de personnes qui ont dû fuir leur maison depuis six ans.

Les groupes djihadistes sèment la terreur dans la région. Six villages, sur les dix-huit que compte celle-ci sont désormais sous leur contrôle. Ils en ont chassé les instituteurs, les conseillers municipaux, et y imposent la loi islamique, n’hésitant pas à couper les mains de ceux qu’ils accusent d’avoir volé. Dans les autres villages, ils se pavanent en plein jour et à visage découvert, comme s’ils étaient en terrain conquis.

L’armée burkinabé est bien incapable de protéger la population. Le détachement cantonné à Sebba n’est intervenu que sept heures après que l’alerte a été donnée. À la mi-mai, le ministre de la défense, Chériff Sy, avait fait dans la région une tournée qui s’était conclue par un triomphal « La situation est revenue à la normale ». Plus soucieux de régler ses comptes avec d’autres chefs de l’armée ou de la Sécurité que de protéger la population, il s’en était pris en plastronnant à « ceux qui se moussent devant leur bière à Ouaga ». Dans ce panier de crabes que sont les institutions militaires burkinabé, la grande affaire est plus de profiter de sa situation pour s’enrichir que de mener la guerre aux djihadistes.

La responsabilité de cette situation à la tête du Burkina Faso est historiquement imputable à la France. De 1983 à 1987, le pays avait été gouverné par Thomas Sankara. Celui-ci avait symboliquement rebaptisé l’ancienne colonie française de Haute-Volta du nom de Burkina Faso, « pays des hommes intègres », et avait voulu appliquer cette formule dans sa politique. Les dirigeants français de l’époque, François Mitterrand président et Jacques Chirac premier ministre, le firent assassiner avec l’aide de leur obligé, le président de Côte d’Ivoire Houphouët-Boigny, et remplacer par un dictateur à leur service, Blaise Compaoré. Celui-ci put alors diriger et piller le Burkina pendant vingt-sept ans, avec le soutien de tous les présidents français, avant d’être renversé par un soulèvement massif de la population mené par le comité « contre la corruption et la vie chère ». François Hollande, alors président, fit exfiltrer Compaoré par l’armée française et manœuvra pour que rien ne change. La corruption et la vie chère se sont perpétuées sous les hommes aujourd’hui au pouvoir.

Quoi d’étonnant alors si un tel pouvoir, où l’exemple de la corruption vient du sommet, est bien incapable de protéger la population et si cette situation renforce les groupes djihadistes ? Quant à l’armée française, son inutilité à éviter de tels massacres a une nouvelle fois été mise en lumière. Elle n’a jamais été présente au Burkina -Faso que pour défendre des dictateurs et protéger des régimes pourris.

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