Leur société

Darmanin : la matraque et le bâillon

La campagne sécuritaire qui sature les ondes depuis des semaines a connu un nouveau rebondissement avec la menace de plainte du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, contre Audrey Pulvar, la tête de liste socialiste en Île-de-France, pour diffamation contre la police.

la matraque et le bâillon

Darmanin reproche à Audrey Pulvar d’avoir osé affirmer, après la manifestation de policiers du 19 mai, qu’une manifestation « soutenue par l’extrême droite, à laquelle participe un ministre de l’Intérieur, qui marche sur l’Assemblée nationale pour faire pression sur les députés en train d’examiner un texte de loi concernant la justice, c’est une image qui pour moi était assez glaçante ». Précédemment, Pulvar avait aussi dénoncé à juste titre les morts imputés à la police, de Malik Oussekine en 1986, Zyed Benna et ­Bouna Traoré en 2005, Adama Traoré en 2016. Darmanin voudrait montrer qu’il ne laissera pas de telles paroles impunies. Il veut démontrer que le gouvernement n’est pas en retard sur la droite et Le Pen, quand il s’agit de déclarations d’amour aux forces de répression et de menaces contre ceux qui osent dire la vérité sur leurs agissements. Le fait que Darmanin a finalement annoncé ne pas porter plainte n’est dû qu’à l’inconsistance des motifs. La campagne politique demeure.

Depuis l’assassinat, le 5 mai, d’un policier à Avignon par un trafiquant de drogue, politiciens, syndicats de police et médias mènent une agitation ininterrompue sur le risque de mourir pour le « service de la nation ». Bien entendu, le métier de policier comporte de tels risques, et surtout consiste à prendre de front une partie des pires aspects de la société. Pour autant, parler à longueur de journée de l’augmentation des assassinats de policiers, comme du prétendu laxisme de la justice, relève de la propagande. Non seulement le nombre de policiers tués en service a été divisé par trois en trente ans, mais le meurtre d’un policier est passible de la réclusion à perpétuité.

La manifestation policière du 19 mai a drainé nombre de politiciens, du RN à Fabien Roussel du PCF. Alors qu’un concours de démagogie et de surenchères fait déjà de la sécurité un thème central de la vie politique, aucun ne veut rester en arrière.

La diversion sécuritaire évite d’avoir à parler de la réalité vécue par les classes populaires, qui subissent le délitement social dans les quartiers, mais surtout l’insécurité économique, avec les licenciements massifs et l’explosion de la précarité, l’insécurité au travail, l’insécurité et la violence sociales dont témoignent les cent femmes assassinées par an par leurs conjoints.

Mais le renforcement des forces de répression, la latitude laissée à la police de matraquer et à la justice d’emprisonner ne régleront aucun problème social. De plus, toute cette dérive autoritaire et son accompagnement idéologique voulant faire admettre l’arbitraire policier est lourde de menaces pour les travailleurs.

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