Dans le monde

Birmanie : la dictature et ses complices

Lundi 24 mai, s’est ouvert en Birmanie le procès d’Aung San Suu Kyi et de son parti, la Ligue pour la démocratie, accusés par la junte d’incitation à la sédition et de fraude électorale lors des élections de novembre 2020, qu’ils avaient très largement remportées.

Les généraux, dont Min Aung Hlong, homme fort de la junte, n’hésitent devant rien, eux qui ont confisqué le pouvoir depuis des décennies et qui ont tué au moins 800 personnes, blessé plusieurs milliers d’autres et rempli les geôles du pays depuis le coup d’État du 1er février dernier.

Après des années de résidence surveillée, Aung San Suu Kyi avait accepté de diriger le gouvernement en 2015, main dans la main avec plusieurs hommes forts de Tatmadaw, nom sous lequel sont connues les forces armées birmanes. Cela a permis la levée de certaines sanctions internationales qui limitaient l’intégration de la Birmanie dans le commerce mondial. Mais cette prétendue transition démocratique a permis simultanément aux généraux, tout en gardant la main sur les postes clés de l’appareil d’État, de préserver leur mainmise sur les deux holdings qu’ils contrôlent (MEHL et MEC) et, à travers elles, sur une partie des richesses produites dans le pays. Cette couverture politique a également servi aux multinationales occidentales, comme Total, de prétexte pour maintenir voire intensifier leurs activités dans le pays.

La Birmanie dispose en effet d’immenses réserves de jade, de cuivre, mais aussi de pétrole et de gaz, qui ont attiré les capitaux étrangers depuis l’ouverture du pays, au début des années 1990. Des centaines d’entreprises du textile se sont également ouvertes, certaines dans plusieurs zones franches, exploitant durement une jeune classe ouvrière, majoritairement féminine.

La Ligue pour la démocratie, tout comme Aung San Suu Kyi, n’a jamais remis en cause le pouvoir patronal, les expulsions massives de paysans de leurs terres, ou la domination des multinationales qu’ils ont, au contraire, cherché à attirer au nom du nécessaire développement du pays.

Ce parti s’est formé avec un certain nombre de caciques du régime militaire, qui avaient dirigé le pays d’une main de fer jusqu’au soulèvement de 1988, qui fut noyé dans le sang. De la même manière Aung San Suu Kyi a assumé la politique d’épuration ethnique et les exactions perpétrées par l’armée en 2017 et 2018 à l’encontre de la minorité des Rohingyas, dans le nord-ouest du pays, qui a entraîné la fuite dans des conditions épouvantables de centaines de milliers d’entre eux vers le Bangladesh.

Au lendemain du coup d’État, la jeune classe ouvrière s’est fortement mobilisée, en faisant grève et en manifestant, bravant une armée pléthorique, les milices patronales, les hommes de main du régime et la répression.

Elle est la seule à représenter un espoir, face à la dictature et face aux partis qui s’en sont fait les complices.

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