La longue tradition réactionnaire de l’armée28/04/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/04/2752.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La longue tradition réactionnaire de l’armée

Les cris d’orfraie, poussés par une partie du monde politique à propos de la tribune de militaires sur un possible recours à l’armée pour rétablir l’ordre dans le pays, relèvent d’une profonde hypocrisie.

L’intervention des militaires est une vieille tradition politique, partie intégrante de l’histoire de la république bourgeoise en France.

Le premier coup d’État mit au pouvoir le général Napoléon Bonaparte, le 18 brumaire “de l’an 8” (9 novembre 1799), pour finir d’enterrer la Première République bourgeoise. Le deuxième coup d’État, le 2 décembre 1851, porta le coup de grâce à la Seconde, après la répression antiouvrière de juin 1848, pour installer le Second Empire. Quant à l’installation au long cours de la république parlementaire, elle se fit aussi sous le contrôle direct de l’armée et de sa furie antiouvrière. Le premier président de la Troisième République, en 1871, fut le général Mac Mahon, celui qui commanda les troupes de l’armée versaillaise pour écraser la Commune de Paris en mai 1871, assassinant 20 000 femmes et hommes pour établir l’ordre dit républicain. C’est un autre massacreur des communards, le général Boulanger, ministre de la Guerre jusqu’en 1886, qui fut à deux doigts de conduire un nouveau coup d’État en 1889, appuyé par toute une partie de l’armée. Ses hésitations, et non une quelconque riposte, mirent fin à cette aventure.

C’est la Chambre de Front populaire qui mit fin à la Troisième République en confiant des pouvoirs dictatoriaux au maréchal Pétain en juin 1940. Mais toute l’histoire suivant la Deuxième Guerre mondiale a encore été marquée par l’empreinte de l’armée sur la vie politique du pays, jusqu’aux coups d’État militaires, réussi pour l’un, le 13 mai 1958, et manqué pour l’autre, le 21 avril 1961. La Quatrième République tomba en effet après le coup d’État du 13 mai 1958 à Alger, véritable insurrection de l’armée contre le pouvoir politique à Paris. C’est grâce à celui-ci que De Gaulle fut rappelé au pouvoir. Et c’est aussi ce coup d’État qui permit d’instituer la Cinquième République, encore en place aujourd’hui.

L’armée se souleva une nouvelle fois sous la direction des généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller, pour installer un pouvoir militaire à Alger le 21 avril 1961, menaçant de débarquer à Paris pour s’opposer à la politique de De Gaulle. À la suite de l’appel à l’insubordination, adressé par celui-ci aux appelés du contingent, et de leur réaction immédiate, ce putsch fut mis en échec. Reste que toute une partie de l’encadrement de cette armée de métier appuya tout un temps la rébellion conduite par l’OAS contre le pouvoir, et visant à l’instauration d’un régime dictatorial dans le pays.

Si, aujourd’hui, le pays n’est pas vraiment sous la menace d’un coup d’État militaire, les pressions politiques du haut état-major de l’armée sont permanentes. Quand des militaires d’aujourd’hui lancent un appel évoquant « l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles », on voit donc très bien à quoi ils pensent et dans quelle tradition ils se placent.

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