Dans le monde

Brésil : catastrophe sanitaire, Bolsonaro persiste et signe

Au Brésil, l’épidémie semble maintenant hors de contrôle. Le pays totalise officiellement plus de 350 000 morts du Covid, et chaque jour près de 4 000 autres viennent s’y ajouter.

On manque de bouteilles d’oxygène. Des malades intubés se réveillent, faute de sédatifs en suffisance. Les files d’attente s’allongent devant les Urgences des hôpitaux, au point que beaucoup décèdent avant qu’on les prenne en charge. Les cimetières restent ouverts la nuit et les enterrements se font en continu, à la lumière des projecteurs. La religion prend le relais des soins : on a vu une foule à genoux, en prière devant un hôpital de l’État de Santa Catarina, dans le Sud.

Cette catastrophe n’émeut pas le président Bolsonaro, qui continue de refuser toute mesure générale de précaution ou de confinement. Il critique les maires ou gouverneurs d’État qui en instaurent. Son refrain est : « Le Brésil doit retourner au travail !»

Pourtant, le nombre de ceux qui le suivent aveuglément semble diminuer, une baisse de popularité qui réduit aussi le nombre de ses fidèles dans les milieux dirigeants. Pour ne pas se déconsidérer, les politiciens des partis clientélistes du centre commencent à critiquer l’irresponsabilité du président.

Banquiers et patrons font de même, et exigent des mesures contre la pandémie. Bolsonaro a sans doute voulu leur plaire en relançant la privatisation de 500 km de lignes de chemin de fer et de 22 aéroports, de la poste et d’infrastructures dans l’électricité, l’eau, l’assainissement. Les capitalistes brésiliens y auront leur part, bien sûr, mais ils voient bien que le plus gros sera acheté par des groupes internationaux, et sans doute à des prix bradés, à cause de la pandémie et de la chute du real, la monnaie nationale.

Les militaires eux-mêmes, auxquels l’ex-capitaine Bolsonaro octroie une bonne partie des postes de responsabilité, se sentent du vague à l’âme. Ministre de la Santé, le général d’active Pazuello a servi de bouc émissaire et a été remercié. Pour ne pas être eux aussi déconsidérés, les chefs des trois armes ont profité du changement du général ministre de la Défense, le 29 mars, pour remettre leur démission. Les militaires occupent toujours la moitié des ministères, 6 000 postes dans la haute administration, et dirigent un tiers des entreprises publiques. Mais l’état-major s’est mis sur la réserve, en position de recours si Bolsonaro coulait.

Les travailleurs, eux, n’ont pas cette faculté de se mettre sur la réserve. Ceux qui sont restés au travail sont exposés au Covid, dans la santé, dans le nettoyage, et aussi dans les usines. À São Bernardo par exemple, dans la banlieue sud de São Paulo, chez Volkswagen comme chez Mercedes, sur 8 500 ouvriers, 1 500 sont contaminés. Et pour les millions qui se retrouvent licenciés, ou qui ont perdu le petit boulot qui leur permettait de survivre, c’est la misère et parfois la faim.

La pandémie ajoutée à la crise économique menace de ramener le monde du travail des dizaines d’années en arrière. Bolsonaro, lui, claironne fièrement que tout va pour le mieux, et dans le fléau de la pandémie, c’est un fléau supplémentaire.

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