Politique de santé : vers un tri des malades31/03/20212021Journal/medias/journalarticle/images/2021/03/Une_2020_06_16_Manif_sante_26_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C42%2C800%2C491_crop_detail.jpg

Leur société

Politique de santé : vers un tri des malades

La progression et la durée de la pandémie commencent à faire craquer le système de santé. En Île-de-France, le nombre d’admissions de patients en services de soins critiques va croissant.

Illustration - vers un tri des malades

Atteignant 1 410 pour 7 000 patients dénombrés le 25 mars, il a conduit l’Agence régionale de santé, l’ARS, à prévoir la possibilité, pour les hôpitaux de la région, de disposer à cet effet de 2 250 lits et de déprogrammer pour cela 80 % des opérations chirurgicales.

Dans des tribunes publiées par les médias, des médecins hospitaliers se sont élevés contre cette consigne venue d’en haut qui conduira les soignants à trier les malades, puisqu’ils sont dans l’impossibilité de les soigner tous. Déprogrammer des opérations chirurgicales, les reporter à une date incertaine, c’est concrètement, selon un spécialiste en anesthésie-réanimation de l’hôpital Saint-Antoine, six mois de plus à attendre, avec les douleurs que cela suppose, avant la pose d’une prothèse de hanche ou l’opération d’une hernie inguinale. Le même évoque des malades victimes de cancers ou d’infarctus qui ont pâti des reports pendant la deuxième vague. Il ajoute que les investigations, comme en endoscopie digestive, sont à maintenir le plus longtemps possible, car passer de quatre salles dédiées à deux, menace qui pèse sur ce service, conduirait mécaniquement à réduire l’activité de moitié. Or, en 2020, près d’un tiers des cancers colorectaux ont, du fait des déprogrammations, été détectés à des stades plus avancés. Le généticien Axel Kahn chiffre même, plus généralement, autour de 13 500 les décès supplémentaires à prévoir à cause de cancers, du fait du retard pris depuis un an.

Certains médecins ont dénoncé dans une tribune les conséquences d’un choix politique de Macron. Mais, au-delà, le choix politique est fait depuis des décennies, et il est assumé. Le dernier plan de financement de la Sécurité sociale n’exige-t-il pas de l’hôpital 900 millions d’euros d’économies ? Les lits d’hospitalisation, et en ce moment surtout de soins critiques, qui font défaut, n’ont-ils pas été supprimés au fil des plans pour économiser du personnel soignant et non-soignant ? Malgré les promesses ronflantes du Ségur, la suppression de 300 lits dans le nouvel hôpital Nord de Paris, regroupement de Bichat et de Beaujon, n’est-elle pas fermement décidée ?

Le cri d’alarme lancé par des soignants des grands centres hospitaliers est clair : le tri des malades lié à une scandaleuse politique gouvernementale de la santé publique aura nécessairement lieu si la contagion continue, et en réalité il a déjà commencé.

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