Canal de Suez : course aveugle à la rentabilité31/03/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/04/2748.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Canal de Suez : course aveugle à la rentabilité

Le 23 mars, un porte-conteneurs de 400 mètres de long et environ 200 000 tonnes, l’Ever Given s’est échoué en travers du canal de Suez, empêchant toute circulation et coupant pendant une semaine cette voie empruntée par 10 % du commerce mondial.

Ce blocage a créé un embouteillage maritime géant et un risque de pénurie pour un certain nombre de produits. Sur les 425 navires bloqués dans les zones d’attente du canal, on trouvait des biens en tout genre : du thé, des meubles Ikea, des lames de parquet, mais aussi 130 000 moutons et du pétrole iranien à destination de la Syrie.

Le 29 mars, l’Autorité du canal de Suez a déclaré que le navire avait été réorienté à 80 % dans la bonne direction. Mais il fallait encore plusieurs jours pour désengorger le passage.

Les autorités égyptiennes ont d’abord expliqué l’accident par des rafales de vent et une tempête de sable. Elles ont ensuite envisagé de possibles erreurs techniques ou humaines. Le même porte-conteneurs avait déjà connu un accident en 2019 suite à des vents violents, provoquant le blocage de la circulation sur l’Elbe, à Hambourg.

L’Ever Given est en effet un des plus grands porte-conteneurs du monde, construit au Japon et lancé en 2018. Depuis plusieurs années, ces navires sont devenus de plus en plus volumineux, et de plus en plus longs. Leur taille même rend difficiles la navigation, les manœuvres, et les rend particulièrement sensibles au vent. Une partie des conteneurs tombent régulièrement à la mer, avec leur cargaison de produits chimiques parfois dangereux et, lorsqu’ils flottent, se transforment en danger pour la navigation.

Malgré les risques, le but des armateurs est de faire des économies d’échelle et d’augmenter la rentabilité des voyages. Les porte-conteneurs sont souvent gérés par plusieurs entreprises différentes, sous différentes législations nationales. Comme dans bien d’autres secteurs d’activité, la sous-traitance en cascade permet de réduire les investissements, avec pour conséquence d’accroître les risques d’accident. Ainsi, l’Ever Given est exploité par une compagnie taïwanaise, bat pavillon panaméen, et une société allemande s’occupe de la gestion technique.

Face au blocage, c’est l’État égyptien, propriétaire du canal de Suez, qui est d’abord intervenu. Mais, étant donné l’ampleur des travaux nécessaires pour déplacer le porte-conteneurs géant, il n’avait pas les moyens de les réaliser lui-même. C’est finalement une entreprise privée hollandaise, Boskalis, qui a débloqué le canal. Il a fallu draguer environ 30 000 m³ de sable et mobiliser 13 remorqueurs.

C’est peut-être le vent et le sable qui ont provoqué l’accident de l’Ever Given. Mais il est d’abord le résultat d’une course à la rentabilité, quoi qu’il en coûte à la société.

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