Leur société

Mort d’Alisha : une société modèle de violence

À l’émotion ressentie après la mort de la jeune Alisha Khalid d’Argenteuil, victime de harcèlement puis battue et noyée le 8 mars par deux de ses camarades après un guet-apens, s’ajoutent l’incompréhension et l’angoisse de bien des parents de quartiers populaires.

Ce drame succède à d’autres scènes de violences entre adolescents, survenues à une fréquence préoccupante ne serait-ce que depuis ce début d’année. Qu’il s’agisse du jeune sauvagement tabassé à Paris 15e, de l’adolescent de 15 ans tué à Bondy, de la mort de deux adolescents dans des rixes dans l’Essonne ou encore d’une bande de « grands » ayant volontairement blessé des « petits » de leur groupe pour leur apprendre à se battre, les comportements violents et parfois mortels de groupes de jeunes, souvent entre eux, ont de quoi susciter une inquiétude légitime de leurs familles.

Que proposent ceux qui gouvernent, ou postulent à le faire ? Darmanin, le ministre de l’Intérieur, enchérit d’avance sur le RN en annonçant le recrutement de 10 000 policiers sur le quinquennat. Schiappa, chargée de la Citoyenneté, annonce la création d’un « comité de parents contre le harcèlement » qui devrait réunir aussi des policiers, des gendarmes, des éducateurs et des enseignants. L’opposition, en la personne de Pécresse, en appelle à rien moins qu’« une prise de conscience nationale ». Les prises de position à visée électorale de ces gens-là ne peuvent pas plus répondre au problème que ne l’avait fait l’invention des « quartiers de reconquête républicaine » qui, il y a moins de deux ans, s’était traduite, une fois de plus, par des annonces d’augmentations budgétaires pour les effectifs de police et de gendarmerie.

À l’occasion du drame d’Argenteuil, beaucoup ont incriminé le rôle des réseaux sociaux quand ils n’accusaient pas les parents d’être responsables. Certes, l’usage absurde que nombre d’adolescents font de ces réseaux inquiète, vu les conséquences graves qu’il provoque parfois. La futilité des raisons qui ont motivé les jeunes assassins ­d’Alisha, leur inconscience de la gravité de leur acte, sont glaçants. Mais les gouvernements qui, les uns après les autres, appauvrissent l’école en supprimant matières, heures d’enseignement et personnel, ne peuvent pas se vanter de donner aux jeunes élèves tous les moyens possibles pour accéder à une culture qui, dans tous les domaines, serait à même d’accrocher leur curiosité et d’élargir leur horizon.

Et, loin d’incriminer la seule école, celle qui scolarise douze millions d’élèves, quelle image la véritable école, celle de la vie, offre-t-elle aux adolescents, comme à leurs parents, si ce n’est la plupart du temps celle d’une société à vomir, où l’individualisme se généralise, qui s’enlise dans sa crise et qui s’enfonce dans la barbarie ? Comment s’étonner de retrouver le reflet de sa cruauté dans l’imaginaire de deux jeunes qui n’hésitent pas à assassiner une de leurs camarades comme s’ils étaient dans une série télévisée ?

La société capitaliste, où le profit règne en maître au mépris des besoins de la population, est une société pourrie, barbare, de plus en plus inhumaine, dont les bagarres entre jeunes ne font que renvoyer l’image, comme pour confirmer qu’elle ne mérite que d’être abattue.

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