Des Antilles à Paris : colère contre le chlordécone03/03/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/03/2744.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des Antilles à Paris : colère contre le chlordécone

Samedi 27 février, en Martinique, plus de 5 000 personnes ont répondu à l’appel lancé par plusieurs dizaines d’organisations politiques et syndicales. Elles étaient aussi plusieurs centaines à Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe, et autant sur la place de la République à Paris, à manifester sur la question du chlordécone.

L’annonce faite par des juges instructeurs parisiens d’un risque de non-lieu pour prescription, suite aux plaintes déposées il y a quatorze et quinze ans par des associations de Guadeloupe et de Martinique pour mise en danger de la vie d’autrui par le chlordécone, a en effet révolté des milliers de personnes, décidant une série d’organisations à appeler à cette journée de mobilisation et de protestation.

En Martinique, dès 8 heures du matin, des centaines de personnes ont afflué devant la Maison des syndicats. Un peu plus tard ils étaient plusieurs milliers, ouvriers agricoles, chômeurs, travailleurs de différents secteurs, femmes au foyer, retraités, jeunes, étudiants, venus crier leur indignation. Ils criaient leur refus de l’impunité pour les désastres et les crimes commis par les capitalistes békés de la banane et autres, avec le soutien de l’État, en raison de l’utilisation du chlordécone. Ils demandaient aussi l’arrêt de l’utilisation de cocktails de pesticides dans les plantations. De nombreux manifestants arboraient les couleurs « rouge-vert-noir », montrant ainsi leur défiance vis-à-vis des autorités coloniales.

Les slogans repris donnaient bien le ton de la manifestation : « Non à l’impunité, non au non-lieu, non au cocktail de pesticides » ; « Il faut juger et condamner les empoisonneurs capitalistes », tandis que des jeunes disaient au préfet « d’aller planter de la banane ». À la fin de la manifestation, une salve d’applaudissements a accueilli ces propos venus de la tribune : « Il y a trop de responsables pour qu’il n’y ait pas de coupables ! Et nous toutes et tous nous les connaissons. Ce sont les capitalistes de la banane et l’État et des politiques complices. »

En Guadeloupe, une mobilisation était organisée à Capesterre-Belle-Eau, à l’initiative du syndicat CGTG de la banane, avec 300 participants dont de nombreux ouvriers agricoles de la banane. La ville concentre la majorité des plantations de banane de l’île et c’est là que le chlordécone, sous les noms de Curlone, Kepone, ainsi que d’autres pesticides extrêmement dangereux comme le Temik, ont été massivement employés. Des témoignages bouleversants de travailleurs ont montré les ravages dus à ce poison sur eux-mêmes et leur famille : nombreux cancers, problèmes endocriniens, de fertilité.

Le poison, présent dans la terre et dans l’eau, a contaminé les cultures et l’eau potable sur la plus grande partie du territoire. Toute la population de l’île est donc à divers degrés contaminée. Les patrons de la banane ont obligé les travailleurs à épandre le produit sans protection, sans respect des horaires préconisés, plusieurs années encore après qu’il a été interdit d’abord aux États-Unis puis en France. Les gros planteurs étaient à la fois utilisateurs, importateurs et vendeurs de ce poison bien rentable pour eux.

Le secrétaire général du syndicat CGTG-banane, Alex Cocoyer, a exposé que le combat ne se limite pas au scandale du chlordécone. Il englobe la lutte contre des conditions de travail toujours extrêmement pénibles et dangereuses. Ces travailleurs sont également mobilisés pour obtenir des arriérés de salaire remontant à plusieurs années.

Plusieurs participants et organisateurs ont déclaré que la lutte doit se poursuivre jusqu’à reconnaissance en maladies professionnelles des maladies causées par les pesticides, l’indemnisation des victimes et la dépollution des sols. Parallèlement aux actions de masse, plusieurs démarches juridiques sont en cours.

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