Dans les entreprises

Groupe Fountaine-Pajot : catamarans pour les uns, pas marrant pour les autres

Le groupe Fountaine-Pajot, dont le principal actionnaire, Jean-François Fountaine, est le maire de La Rochelle, est spécialisé dans la production de gros catamarans habitables, dont les prix vont de quelques centaines de milliers à 2,5 millions d’euros.

Ses profits passés, tirés des travailleurs de ses deux usines, ont permis à Fountaine-Pajot d’avaler le constructeur de monocoques Dufour Yachts, racheté 23 millions d’euros en 2018. En quatre ans, depuis 2016, le chiffre d’affaires du groupe a été multiplié par 2,5, et sa production est passée de 150 bateaux par an à 650, avec un effectif monté de 350 salariés à 1300, sur maintenant cinq sites.

Signe d’une époque, qui confirme que ce n’est pas la crise pour tout le monde : le groupe, selon son directeur général interviewé par Sud-Ouest, se prépare encore à une croissance en 2021 et à un boom en 2022 de la demande de ses bateaux de luxe. Et la plus grosse demande vient moins que par le passé des entreprises de location, mais plutôt de clients assez fortunés pour posséder leur propre bateau, et à qui le confinement dans leur villa dorée a donné de soudaines envies de grand air marin.

Les salariés sont payés pour la plupart à peine 200 euros au-dessus du smic. Il leur faut attendre les primes de fin d’année pour boucher les trous qui se forment mois après mois. Et en fin de carrière ou en maladie, faute de cotisations sur ces primes, il ne reste que des miettes. Si eux ont subi pendant les semaines de chômage partiel une baisse de revenus de 14 %, sans compter la perte sur les primes, les profits de l’entreprise n’ont guère pâti de la fermeture pendant le confinement du printemps dernier : le bénéfice brut, de 30 millions d’euros en 2019, soit 23 000 euros par salarié, s’élevait encore à 21 millions en 2020. L’aide de l’État n’y est pas pour rien, qui prenait entièrement à sa charge le paiement du chômage partiel, du moins celui des travailleurs sous contrat, car les intérimaires ont été licenciés. C’était d’autant plus précieux pour ce groupe que les patrons du nautisme se disputent, depuis le boom de ce secteur, la main-d’œuvre qualifiée – certes pas au point cependant de payer des salaires corrects pour l’attirer, sans parler d’en financer la formation. L’argent de l’État leur a donc permis de conserver leur main-d’œuvre, sans la payer, pour la réutiliser après le confinement.

Mais la principale source du profit est évidemment l’exploitation. Aux bas salaires s’ajoute l’extension du travail posté en 2 x 8. Et aux accidents de travail, dont le nombre reste élevé, s’ajoute maintenant le Covid. Un foyer de contamination s’est développé en novembre chez Dufour, et la direction a incriminé… les pauses café, mais pas la production à six ouvriers dans un même bateau ! Ce sont des salariés, plus responsables que la direction, qui ont confectionné eux-mêmes des distributeurs de gel hydroalcoolique.

Comme le disent des ouvriers : si les clients ne passent souvent qu’une semaine par an sur leur bateau, eux sont dessus à longueur d’année, non pas debout sur le pont, mais contorsionnés dans la coque, et à respirer, non l’air marin, mais les solvants.

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