Santé scolaire : mission impossible

03 Février 2021

Suite au scandale de l’inceste à nouveau mis en lumière par le livre de Camille Kouchner, Macron a émis un tweet pour affirmer qu’il s’occupait du problème : « Deux rendez-vous de dépistage et de prévention contre les violences sexuelles faites aux enfants – l’un en primaire, l’autre au collège – seront mis en place pour tous, dans le cycle de visites médicales obligatoires existantes. »

C’est un mensonge de plus. Ces visites médicales « obligatoires » ne sont plus effectuées systématiquement depuis des années, car la santé scolaire est un service en décrépitude. Et c’est de pire en pire.

D’après les syndicats, il y a actuellement moins de 1 000 médecins scolaires pour toute l’Éducation nationale. Comme il y a douze millions d’élèves, cela signifie qu’en moyenne, il n’y a qu’un médecin pour 12 000 élèves. Dans une ville comme Dieppe, il n’y a plus de médecin scolaire du tout, certains départements n’ont qu’un seul médecin en tout et pour tout, certains départements ruraux n’en ont pas du tout.

Nombre d’autres démissionnent, car ils ne peuvent travailler sans moyens sur des secteurs gigantesques. Selon l’Éducation nationale, 400 postes seraient vacants, mais il faudrait créer plus de 1 000 postes pour que les secteurs aient une taille acceptable.

La mission de la santé scolaire est immense : organiser la scolarité des enfants handicapés, assurer la prise en charge à l’école des enfants présentant des pathologies comme l’asthme ou le diabète, orienter vers des soins les enfants en difficultés d’apprentissage, dépister les enfants maltraités et organiser leur protection, assurer les visites « obligatoires » en grande section de maternelle, avant l’entrée en sixième, avant l’entrée en lycée professionnel. En fait, dans le meilleur des cas, les visites médicales ne concernent que les enfants sélectionnés par les enseignants.

Le médecin scolaire arrive tout juste à répondre aux urgences sur des cas d’enfants battus ou des appels au secours d’enseignants, confrontés à des enfants qui posent de gros problèmes. Souvent le diagnostic se résume à constater des troubles du comportement, mais il faudrait plus qu’une visite rapide pour en comprendre les causes. Tout cela prend du temps, et les médecins scolaires en manquent cruellement. Quant à l’orientation vers les soins, c’est un vrai parcours du combattant, les centres médico-psycho-­pédagogiques affichent des listes d’attente de plus de six mois.

Les infirmières se retrouvent seules, sans médecin pour faire équipe. Dans l’académie d’Aix-Marseille, une infirmière travaille sur quinze établissements, écoles, collèges et lycées. À Paris, des infirmières ont été recrutées par la mairie pour compenser la pénurie de médecins, mais une seule infirmière est chargée de tous les dépistages visuels, auditifs et troubles du langage dans quinze écoles maternelles.

Bien évidemment, les tâches imposées par la pandémie s’ajoutent désormais au reste : le conseil aux directions, le suivi des élèves fragilisés, le traçage des cas de Covid dépistés, les tests antigéniques pour les enseignants, le personnel et les élèves. Même avec la meilleure volonté, c’est mission impossible !

Alors, quand Macron parle des médecins de santé scolaire pour déceler les problèmes d’inceste, parmi d’autres tâches aussi essentielles, en ne donnant aucun moyen supplémentaire, il ne fait qu’afficher son mépris pour le personnel et pour les enfants.

Chloé Nerthe