Mayotte : état de catastrophe sociale

03 Février 2021

À Mayotte, entre le 22 et le 24 janvier, trois Comoriens, dont deux adolescents de 14 et 15 ans, ont été assassinés à l’arme blanche sur Petite-Terre, dans le quartier de la Vigie.

Face à l’insécurité croissante qui règne dans l’archipel, nombre de politiciens et de démagogues essayent de tourner la population contre les immigrés comoriens, réclamant plus de patrouilles en mer, plus d’expulsions.

En réalité, l’insécurité croissante dont Mayotte souffre est d’abord le résultat d’infrastructures et de moyens insuffisants. Dans ce petit territoire comptant 400 000 personnes avec les travailleurs sans papiers comoriens, un tiers des logements n’ont pas accès à l’eau potable, les deux tiers sont des taudis surpeuplés et 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

La crise sanitaire et la crise économique ont aggravé la situation. Les restrictions d’eau, les difficultés d’approvisionnement, l’insécurité alimentaire ont entraîné une recrudescence des braquages et des agressions. Dans le même temps, les appels à expulser les Comoriens en situation irrégulière et à raser les bidonvilles se sont multipliés. Des « collectifs citoyens » ont multiplié les incidents et les appels à la vengeance.

Face à cette catastrophe, la réaction de l’État, en la personne du ministre de l’Outre-mer, Lecornu, a été d’entonner les mêmes trompettes xénophobes, en pointant du doigt les Comoriens et en organisant la chasse aux immigrés clandestins. Il s’est félicité du rythme soutenu des expulsions et a promis de multiplier encore les patrouilles en mer, sous-traitées à des entreprises privées. Depuis vingt ans, des milliers de migrants comoriens sont morts en mer sur des embarcations de fortune pour éviter ces patrouilles.

Mais, pour toute une partie de la population, c’est surtout le sentiment d’abandon qui règne, un sentiment renforcé par le traitement de l’épidémie. Ainsi, alors que le variant sud-africain a largement gagné le territoire et commence à saturer les quelques dizaines de lits disponibles, seulement 975 doses de vaccin y avaient été acheminées le 25 janvier. Pour les autorités françaises, Mayotte est d’abord une base avancée dans l’océan Indien, dont la population est quantité négligeable.

Serge BENHAM