Congo : l’assassinat de Lumumba sur ordre des impérialistes27/01/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/01/2739.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Il y a 60 ans

Congo : l’assassinat de Lumumba sur ordre des impérialistes

Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre du Congo indépendant, était assassiné par des soldats katangais. Ceux-ci découpaient le corps et le faisaient disparaître en le dissolvant dans de l’acide sulfurique.

Ce meurtre en dit long sur la haine que Lumumba avait déclenchée du côté des grandes puissances du fait de ce qu’il représentait pour les populations africaines. Il est aussi à l’image du martyre enduré par le Congo depuis sa conquête par les Européens jusqu’à aujourd’hui.

Patrice Lumumba fut assassiné sur ordre des grandes puissances, en particulier de la Belgique, ex-puissance coloniale, comme d’autres leaders nationalistes luttant contre la colonisation en Afrique. Il gênait les plans des dirigeants impérialistes qui voulaient poursuivre le pillage des richesses du Congo, malgré son indépendance et avaient besoin de mettre en place des pouvoirs politiques à leur solde. Ce n’était pas le cas de ce nouveau Premier ministre du Congo. Lumumba était un nationaliste radical qui voulait un Congo fort, uni et capable de disputer à l’impérialisme le contrôle des richesses.

L’histoire du Congo colonial est jalonnée de massacres, de violences des colonisateurs pour la conquête et l’exploitation de l’ivoire d’abord, puis du caoutchouc, et enfin de ses innombrables ressources minières. Officiellement propriété personnelle du roi des Belges pendant plusieurs décennies, le Congo fut soumis à un régime de terreur. En 1908, le roi Léopold dut s’en dessaisir au profit de la Belgique, mais cela ne changea pas fondamentalement la violence de la colonisation et l’oppression des populations. Le travail forcé, l’arbitraire, la misère et de multiples discriminations racistes restèrent le lot quotidien des Congolais.

En 1960, la Belgique fut contrainte de négocier l’indépendance de sa colonie. Depuis quelques années des mouvements de révoltes secouaient les classes populaires congolaises, les travailleurs des mines, les pauvres des villes et des campagnes. En même temps, malgré la chape de plomb imposée par la Belgique, des jeunes « immatriculés » (comme les colons nommaient la poignée de ceux qui avaient pu fréquenter l’école des curés occidentaux… et qui savaient se servir d’un couteau et d’une fourchette) se tournaient vers les idées nationalistes anticoloniales qui agitaient le continent. Patrice Lumumba fut le plus charismatique et le plus radical de ce courant au Congo. Alors que les colons belges n’avaient pas unifié le pays – comment auraient-ils pu le faire d’ailleurs tout occupés qu’ils étaient à le vider de ses richesses pour enrichir leurs capitalistes nationaux ? – Lumumba fut le premier, en 1958, à créer un parti politique basé non sur les liens ethniques mais sur le sentiment national, le Mouvement national congolais (MNC).

Alors qu’il avait été emprisonné en janvier 1960 suite aux émeutes réprimées violemment par la police belge, Lumumba fut sorti de prison par le pouvoir colonial qui réalisait enfin que des négociations pour préparer l’indépendance étaient urgentes. La colère montait dans la population et les dirigeants belges avaient besoin des leaders reconnus pour réaliser cette indépendance, même s’ils espéraient les manier à leur guise.

Aux élections de mai 1960, le parti de Lumumba obtint la majorité. Mais c’est un dirigeant nationaliste plus modéré, Joseph Kasa-Vubu, qui fut imposé à la présidence de la République par la puissance coloniale qui espérait ainsi diviser le pouvoir et éviter qu’un État congolais trop fort ne surgisse de cette transition politique. Kasa-Vubu nomma Lumumba Premier ministre. Et c’est en tant que tel que celui-ci prononça lors de la cérémonie de l’indépendance un discours resté célèbre, dans lequel il exprimait profondément la rage et la révolte des Congolais contre ces décennies de barbarie coloniale et qui déchirait le voile d’hypocrisie paternaliste qui présidait à cette cérémonie.

Même si dans le contexte de guerre froide de cette époque, ses discours semblaient en faire un communiste, Lumumba ne l’était pas. Son combat ne se situait pas sur le terrain du prolétariat et de la volonté d’abattre le système capitaliste dans son ensemble. Mais ses idées nationalistes et son arrivée au pouvoir représentaient un danger aux yeux des grandes puissances, suscitant leurs craintes et leur haine.

En juillet 1960, au lendemain de la proclamation de l’indépendance, les soldats de l’armée congolaise se mutinèrent contre leurs officiers, tous blancs, faisant écho aux aspirations de la population pour qui l’indépendance devait signifier la fin de la misère et de l’oppression. Lumumba, après avoir tenté de réprimer cette révolte, céda aux revendications des soldats, renforça encore son prestige et creusait encore le fossé entre lui et les dirigeants impérialistes. Ces derniers, qui craignaient l’extension des révoltes populaires contre leur ordre social abject, préparèrent l’élimination de Lumumba.

Le 11 juillet 1960, en réaction aux émeutes qui s’étendaient dans le pays, le Katanga, la région des mines de cuivre, propriétés de la richissime Union minière belge, fit sécession. En août, une autre région minière, le sud-Kasaï, fit aussi sécession, toujours sous l’inspiration des capitalistes avides de ses diamants. Ainsi les capitalistes belges poussaient à la balkanisation du pays pour protéger leurs profits. Les États-Unis intéressés par l’uranium congolais et la France préoccupée de tout ce qui se passait à proximité de ses ex-colonies décidèrent de soutenir ce dépeçage. L’ambassadeur français, Charpentier, écrivit à Paris : « L’éclatement du Congo est en voie de réalisation. Je me demande sur le plan politique si ce n’est pas l’intérêt bien compris de l’Occident de ne pas s’y opposer. »

Dans la guerre qui les opposait aux troupes du pouvoir central, celles des régions minières indépendantes ne paraissaient pas en voie de l’emporter. L’ONU, sous prétexte de défendre l’unité du Congo, prit la décision opportune d’envoyer des troupes, mais ses Casques bleus prirent ouvertement position pour protéger les régions sécessionnistes. Pendant ce temps, l’œuvre de désagrégation de l’impérialisme se poursuivait : dans la capitale, Kasa-Vubu et Lumumba s’opposaient en se démettant mutuellement de leurs fonctions.

Le 14 septembre 1960, toujours au nom de la restauration d’un pouvoir fort, le général Mobutu, obscur agent des grandes puissances, fit un coup d’État. Lumumba fut placé en résidence surveillée. Le 27 novembre, alors qu’il tentait de s’enfuir de la capitale pour rejoindre des troupes qui lui étaient restées fidèles dans l’Est, les soldats de Mobutu parvinrent à l’arrêter et l’emprisonnèrent. Mais c’est dans les coulisses des ministères impérialistes que son sort fut définitivement scellé. Un diplomate français écrivit le 3 octobre : « l’élimination de M. Lumumba est désirable en soi ». Le ministre des Affaires étrangères belge, le comte Harold d’Aspremont Lynden, évoqua lui « l’élimination définitive de Lumumba ». Le 17 janvier 1961, c’est sur son injonction que Mobutu finit par remettre Lumumba aux soldats katangais qui commencèrent à le torturer dans l’avion qui l’emmenait à Elizabethville (aujourd’hui Lubumbashi). Arrivé sur place, il fut conduit dans une villa appartenant à un riche Belge, sous la supervision des forces belges. Le soir même, il était abattu non loin de cette villa, toujours en présence de militaires belges et du Président du Katanga, Moïse Tshombé.

La mort du dirigeant nationaliste congolais ne fut annoncée qu’un mois plus tard. Elle ne mettait pas fin au chaos au Congo, au contraire, elle permettait aux puissances impérialistes pour toute une période de continuer à exploiter et dépecer le pays.

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