Malaisie : pandémie et exploitation féroce22/12/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/12/2734.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Malaisie : pandémie et exploitation féroce

La moitié des 11 215 travailleurs d’une usine géante Top Glove, proche de la capitale Kuala Lumpur, ont été testés positifs au coronavirus le mois dernier, constituant le plus important cluster de Malaisie.

La pandémie a énormément élargi le marché mondial pour les fabricants de gants en latex. Les usines de gants situées en Malaisie approvisionnent 60 % des besoins mondiaux de cet équipement de protection. Parmi ces entreprises, Top Glove fournit 25 % de la demande mondiale.

Or, les ouvriers qui y produisent 220 millions de gants chaque jour ne sont payés que 250 euros par mois. En cette période faste pour leurs patrons, ils enchaînent de très longues journées de travail, jusqu’à treize heures et demie.

Beaucoup sont des travailleurs immigrés venant du Népal. Certains ont dû payer plus de 4 000 euros à un « agent » pour venir travailler en Malaisie et se trouvent enchaînés à leurs patrons pendant des années afin de rembourser cette somme. Ils sont logés à vingt par chambre dans des foyers où la promiscuité est un vecteur de l’épidémie.

Dans les usines, les ouvriers n’ont droit qu’à un seul masque par jour. Dans un climat chaud et humide toute l’année, en l’absence d’air conditionné, il est vite trempé de sueur. Les travailleurs qui dénoncent ces conditions d’exploitation et de vie criminelles sont renvoyés.

Toutefois, l’ampleur des contaminations est telle que les autorités malaisiennes ont fini par reconnaître que les foyers de Top Glove étaient « terribles » pour leurs résidents. Elles ont lancé des enquêtes et même suspendu l’activité de certaines usines pendant deux semaines.

Les directions de Top Glove et d’autres entreprises du secteur ont dû tester leurs ouvriers, mais ne leur communiquent pas les résultats. Un ouvrier hospitalisé pendant six jours n’a pas pu connaître le résultat de son test.

Un gardien d’usine, venant du Népal, qui avait du mal a respirer, a dû attendre trois jours afin d’être admis à l’hôpital, qui attendait l’autorisation de Top Glove. Il est décédé, sans que la direction ait un mot de condoléances pour sa famille.

À Singapour, à 350 kilomètres de Kuala Lumpur, la santé des travailleurs immigrés est tout autant négligée : 153 000 ont été contaminés, contre seulement 4 000 citoyens de cette cité-État.

Top Glove, qui compte parmi ses actionnaires le fonds multinational BlackRock, a vu son cours en Bourse multiplié par quatre cette année et ses bénéfices par vingt au troisième trimestre, en comparaison avec 2019. C’est grâce au travail de ses 22 000 ouvriers, presque entièrement privés de droits, que ces capitalistes ont profité de la pandémie.

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