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Argentine : vers la légalisation de l’IVG ?

Le 11 décembre, au terme de vingt heures de débat à la Chambre des députés argentins, le projet de loi du gouvernement péroniste de centre-gauche légalisant l’avortement jusqu’à quatorze semaines de grossesse a été approuvé par 131 voix contre 117 et 6 abstentions. Il reste à savoir si le Sénat suivra.

C’est la seconde fois depuis 2018 que les députés argentins votent un projet de loi légalisant l’avortement. Il y a deux ans, la droite gouvernait et ne poussait pas dans ce sens, et 38 sénateurs contre 31 et deux abstentions l’avaient repoussé.

Cette fois, cela répond à une promesse de campagne du président péroniste Alberto Fernandez. Sa ministre des Femmes, des genres et de la diversité, Elizabeth Gomez Alcorta, a salué le vote des députés, tandis que le résultat du vote en faveur de l’IVG a déclenché une clameur de joie chez les nombreuses femmes, jeunes et moins jeunes, qui entouraient le Congrès.

Si les pionnières de la lutte pour le droit à l’avortement libre, sûr et gratuit ont lancé ce combat en 1988 et sont restées longtemps minoritaires, depuis quelques années leur lutte a pris de l’ampleur et elles sont désormais très nombreuses à arborer le foulard vert symbole de la lutte pour le droit à l’IVG.

Chaque année, en Argentine, il y a entre 400 000 et 500 000 avortements clandestins, dont 10 % se terminent par des complications et parfois la mort. Les adversaires de l’avortement, qui portent un foulard bleu, sont mobilisées par l’Église catholique, les évangéliques et la droite réactionnaire. Les dirigeants catholiques redoutent, après l’Irlande, une nouvelle défaite sur ce sujet, a fortiori dans le pays du pape actuel, et voudraient que le Sénat fasse barrage cette fois encore.

Le poids de l’Église catholique et des évangéliques est tel en Amérique latine que trois pays seulement autorisent l’avortement : Cuba, l’Uruguay et le Guyana, ainsi que la province de Mexico. En Argentine, la loi date de 1921 et n’autorise l’avortement qu’en cas de viol et de menaces pour la santé de la femme enceinte, après autorisation d’un juge. Les adversaires de l’avortement ont appris à manœuvrer pour, même dans ces cas-là, faire naître l’enfant non souhaité. Dans d’autres pays, c’est pire. Des femmes ont été condamnées à la prison pour des fausses couches, assimilées à des avortements interdits.

Même si la loi projetée en Argentine est finalement votée, les adversaires de l’avortement se serviront encore de la clause de conscience du projet de loi pour l’empêcher en pratique. Ces dernières semaines, les plus ultras ont menacé sous leurs fenêtres des députés favorables à la loi en ameutant le voisinage, une méthode qui se pratiquait contre les tortionnaires après la dictature.

Le vote du Sénat devrait avoir lieu au plus tard en janvier prochain. Des ajustements, comme la possibilité pour les cliniques privées de refuser les IVG, pourraient être apportés au projet de loi pour convaincre des sénateurs indécis.

Mais, pour toutes les femmes mobilisées pour le droit de ne pas garder un enfant non désiré, l’espoir est « que la loi passe ! » Et il est sûr que, si le Sénat s’y oppose, leur combat ne s’arrêtera pas là.

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