Giscard : un bourgeois au service des siens09/12/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/12/2732.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Giscard : un bourgeois au service des siens

Les hommages n’ont pas manqué pour saluer l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing. Décédé le 2 décembre, il est devenu par la grâce de la presse et du monde politicien un apôtre de la modernité et du progrès social. Sa carrière, au service exclusif de sa classe, celle des capitalistes, est pourtant loin de ce conte de fées.

Issu d’une famille de la vieille bourgeoisie française, époux d’une arrière-petite-fille du maître de forges Henri Schneider, le jeune Valéry Giscard d’Estaing sut plaire aux barons gaullistes qui lui permirent de devenir député en 1956, puis ministre des Finances six ans plus tard, à 36 ans. Evincé du gouvernement à partir de 1966, il lança sa propre formation politique, indépendante de l’appareil gaulliste, les Républicains indépendants.

Trois ans plus tard, de Gaulle parti, Giscard put revenir au gouvernement, toujours aux Finances, sous la présidence cette fois du gaulliste Pompidou. Candidat à l’élection présidentielle après la mort de ce dernier en 1974, il parvint à devancer au premier tour le candidat du mouvement gaulliste, Chaban-Delmas, pourtant donné favori, grâce au soutien d’un autre gaulliste, Jacques Chirac. Pour prix de sa trahison, celui-ci obtint le poste de Premier ministre après la victoire de Giscard au deuxième tour face à Mitterrand, candidat de l’Union de la gauche.

Cherchant à se donner une image de président réformateur, Giscard fit adopter des lois répondant à des exigences de changement bien présentes, en particulier après Mai 68. La majorité passa ainsi de 21 à 18 ans, le divorce par consentement mutuel fut instauré malgré les réticences des milieux conservateurs et surtout, sous la pression des mobilisations féministes, l’avortement fut légalisé. S’il s’en est volontiers attribué le mérite, Giscard laissa alors Simone Veil porter seule le projet de légalisation, face à une majorité de députés masculins très hostiles et volontiers orduriers.

Dès 1975, la crise économique frappa le pays. L’inflation dépassa les 10 % et le nombre de chômeurs le million. Avec Raymond Barre à Matignon, Giscard lança deux plans d’austérité sauvegardant les profits capitalistes. Le gouvernement bloqua les salaires, augmenta les tarifs des services publics, inaugura le déremboursement de certains médicaments et multiplia les aides au patronat. Ainsi, à la fin de 1978, l’État mit en place le « plan acier » qui épongeait les dettes des patrons de la sidérurgie et leur faisait cadeau de 11 milliards de francs supplémentaires, alors même qu’ils annonçaient des milliers de licenciements. Dans ce gouvernement de combat contre le monde du travail, Giscard nomma au Budget Maurice Papon, organisateur de la déportation de milliers de Juifs en tant que préfet de Gironde pendant la Deuxième Guerre mondiale et responsable, en tant que préfet de police de Paris, du massacre de centaines de manifestants algériens pacifiques le 17 octobre 1961.

En Afrique, Giscard défendit par les armes le pré carré de l’impérialisme français, multipliant les interventions militaires, notamment au Tchad et dans l’ex-colonie belge du Zaïre. Ami et soutien des pires dictateurs, il cultiva notamment ses liens avec Bokassa, sinistre tyran de Centrafrique qui lui organisait des safaris dans la brousse. L’affaire des diamants de Bokassa offerts à Giscard a illustré la nature de ces liens existant au sein de la Françafrique.

En fait de courage politique réformateur, Giscard n’aura même pas eu celui de faire abolir la peine de mort, refusant la grâce et envoyant sans état d’âme à la guillotine Christian Ranucci, accusé sans véritable preuve de l’assassinat d’une fillette.

Opportuniste, sans scrupule et tout dévoué à la classe capitaliste : comment s’étonner que Giscard ait trouvé en Macron un admirateur ?

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