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Remdesivir : la pandémie, une aubaine pour les laboratoires

Le laboratoire américain Gilead, qui commercialise le remdesivir, vient de réussir à placer, à un prix exorbitant, un médicament inefficace.

L’histoire commence avec le début de la pandémie. Aucun traitement n’existe alors contre le nouveau coronavirus. À juste titre, on essaie les médicaments antiviraux connus. Le remdesivir est de ceux-là. Il a montré par le passé une certaine efficacité contre d’autres virus, notamment contre deux autres coronavirus.

Dès le mois de février, des études sont donc lancées pour évaluer ses effets. Une première étude, mais réalisée sur un trop petit nombre de patients, ne montre aucune réduction de la mortalité des malades hospitalisés. Fin avril, une autre étude, cette fois sur un millier de patients, ne montre, elle non plus, aucune diminution de la mortalité mais dévoile une récupération plus rapide des malades atteints d’une forme grave, permettant de sortir cinq jours plus tôt de l’hôpital.

Rapidement, en mai, l’agence américaine du médicament délivre une autorisation de mise sur le marché du remdesivir. En juillet, c’est au tour de l’agence européenne qui autorise l’antiviral pour le traitement des malades atteints de formes sévères de COVID-19.

Restait à fixer le prix du remdesivir. Cette fixation ne se fait pas en fonction du prix de revient du médicament – dont une équipe de chercheurs a calculé qu’il se situe à moins d’un dollar la dose –, la fixation du prix est le résultat d’une négociation. Argumentant sur le nombre de journées d’hospitalisation économisées, Gilead a ainsi obtenu des autorités américaines un prix de 390 dollars la dose de ce médicament, c’est-à-dire de 2 340 dollars le traitement, puisqu’il nécessite six doses. Le laboratoire s’est même payé le luxe d’affirmer qu’il demandait un prix vraiment bas, puisque bien inférieur à l’économie réalisée sur le coût des journées d’hospitalisation. Et c’est ce même prix, négocié avec la Commission européenne, qui a été fixé pour les pays européens : près de 2 000 euros le traitement.

Pendant tout l’été, Gilead a livré les États européens qui passaient commande. Début octobre, pour préparer les futures livraisons, le laboratoire a signé un contrat de fourniture du remdesivir à l’Union européenne, pour 500 000 traitements, soit trois millions de doses à 390 dollars l’unité, et donc plus d’un milliard d’euros à la clé, l’accord garantissant le prix d’achat et la disponibilité de celles-ci.

Au même moment, pendant la négociation, une étude clinique rassemblant 2 750 malades sous remdesivir dans plusieurs pays livrait ses premières conclusions. Elle montrait, et Gilead ne pouvait pas l’ignorer, que cet antiviral n’avait aucun effet ni sur la mortalité, ni sur la durée d’hospitalisation des malades. Le 20 novembre, l’OMS finissait par déconseiller l’usage du remdesivir dans le traitement de tous les malades atteints de COVID-19, évoquant même « la possibilité d’importants effets secondaires ».

Entre-temps, 640 000 doses avaient été commandées par des États européens, soit près de 250 millions d’euros pour un traitement aux effets similaires à celui d’un placebo, voire toxiques.

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