Loi de programmation de la recherche : austérité et provocation25/11/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/11/2730.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Loi de programmation de la recherche : austérité et provocation

Avec la loi de programmation de la recherche, votée le 20 novembre, le gouvernement a une nouvelle fois ignoré les revendications d’une grande partie des enseignants, chercheurs et étudiants qui n’y voient qu’un trompe-l’œil enrobé de provocations.

Tout d’abord, le budget « inédit » vanté par la ministre Frédérique Vidal, en charge de l’Enseignement supérieur, Recherche et Innovation, est totalement insuffisant. Au cours des dix prochaines années, il est censé augmenter jusqu’à atteindre 20 milliards d’euros en 2030, soit seulement cinq milliards de plus qu’actuellement.

En réalité, l’inflation aura si bien grignoté cette augmentation budgétaire qu’elle sera à ce moment réduite à 1 milliard. Le compte est loin d’être bon. Le syndicat Snesup estime que, sur dix ans, 65 000 postes titulaires devraient être créés pour assurer l’enseignement et la recherche dans des conditions correctes, dont 8 500 pour l’année 2021.

La précarité de l’emploi dans le domaine de la recherche ne sera nullement résorbée. Au contraire, pour lutter prétendument contre les nombreux CDD d’une durée de quelques mois, il est prévu de créer des « CDI de mission scientifique » qui se termineront, comme leurs homologues dans l’industrie, en même temps que la mission. Des « chaires de professeur junior » sont également programmées, gadgets aux contours flous censés permettre une titularisation plus rapide que le système actuel.

Un amendement de dernière minute a prévu de déconnecter partiellement le recrutement des professeurs d’université de l’instance nationale qui en était jusqu’à présent responsable, pour confier celui-ci directement aux universités concernées, au mépris d’une égalité de traitement à l’échelle du pays. On peut noter que, lors d’une précédente tentative de réforme de ce type, en 2013, la ministre, alors présidente d’université, y était franchement opposée.

La commission qui examinait le projet de loi avant son passage au Sénat a éliminé de la rédaction une formule provocante, qui souhaitait encadrer les libertés académiques dont disposent les professeurs en les passant au filtre des « valeurs de la république » chères à Macron et Blanquer. Mais c’était pour introduire un autre amendement scandaleux.

Celui-ci crée un délit d’entrave et prévoit de « punir d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité ou y avoir été autorisé, dans le but d’entraver la tenue d’un débat organisé dans les locaux de celui-ci ».

Loin d’être liberticide, se récrie la ministre devant les manifestations d’enseignants-chercheurs et d’étudiants, cet amendement aurait au contraire eu pour but de protéger le débat… en chassant les voix discordantes, en quelque sorte. C’est une curieuse conception de la liberté de parole, et surtout une porte ouverte aux forces de police dans l’enceinte de l’université.

Une nouvelle fois, le 24 novembre à Paris, un rassemblement a rappelé ce que vaut cette loi : « Vidal, remballe ! »

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